Le Conseil constitutionnel a rendu, le 15 juin 1999, la décision n° 99-412 DC concernant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. L’État a signé cet engagement international le 7 mai 1999 en sélectionnant trente-neuf paragraphes parmi les mesures de protection proposées. Une déclaration interprétative accompagnait cet acte afin de préciser le sens des dispositions au regard des principes fondamentaux de la norme suprême. L’autorité de saisine a sollicité la juridiction constitutionnelle pour vérifier la conformité du traité avec les articles de la loi fondamentale. Le problème juridique portait sur la compatibilité entre la reconnaissance de droits linguistiques collectifs et l’unité du peuple français souverain. Les juges ont déclaré que la Charte comportait des clauses contraires à la Constitution car elle accorde des droits spécifiques à des groupes identifiés. La décision souligne également que l’usage d’une langue autre que le français dans la vie publique méconnaît les exigences de l’article 2. L’analyse de cette solution permet d’étudier la sauvegarde de l’unité républicaine avant d’aborder la protection constitutionnelle de la langue nationale.
**I. La sauvegarde de l’unité et de l’indivisibilité de la République**
**A. Le refus de la reconnaissance de droits linguistiques collectifs**
La décision rappelle que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Les principes fondamentaux « s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit » au sein de la nation. La convention internationale heurte cette règle en définissant des langues pratiquées par des ressortissants constituant un groupe numériquement inférieur au reste de la population. L’attribution de droits spécifiques à des locuteurs identifiés par leur culture fragilise l’égalité juridique entre tous les membres du peuple français. Cette incompatibilité majeure conduit le juge à censurer l’idée d’un statut particulier pour des communautés définies par leur mode d’expression traditionnel. La protection de l’individu prime ainsi sur la reconnaissance de droits catégoriels qui fragmenteraient le corps social de manière inconstitutionnelle.
**B. La préservation de l’unicité du peuple français**
L’indivisibilité de l’État interdit qu’une section du peuple s’attribue l’exercice de la souveraineté ou bénéficie de prérogatives juridiques fondées sur une appartenance géographique. La décision affirme que la Charte porte atteinte à « l’unicité du peuple français » en créant des catégories de citoyens liées à des territoires. La délimitation d’aires géographiques spécifiques pour l’application de mesures de protection risque de fragmenter l’unité territoriale en entités linguistiques distinctes. Cette approche communautaire est jugée inconciliable avec l’organisation politique qui ne reconnaît que le peuple français dans son ensemble indivisible et souverain. La protection de la structure unitaire du pays impose ainsi l’écartement de toute disposition favorisant une reconnaissance juridique de minorités locales. L’affirmation de l’unité du peuple se double d’une exigence de cohésion linguistique qui se manifeste par la primauté absolue de la langue française.
**II. La protection du français comme langue exclusive de la sphère publique**
**A. Le monopole constitutionnel de l’usage de la langue française**
L’article 2 de la Constitution énonce que la langue de la République est le français, ce qui fonde son usage obligatoire dans l’administration. Le Conseil précise que « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public » ainsi qu’aux organismes chargés d’une mission de service public. Les particuliers ne disposent d’aucun droit à l’usage d’une autre langue dans leurs relations officielles avec les autorités et les administrations étatiques. La liberté de communication doit être conciliée avec cette règle impérative sans que l’utilisation de traductions ne devienne une obligation pour l’État. Le français demeure le vecteur unique de l’expression publique afin de garantir la clarté et l’égalité d’accès aux services de la collectivité. Cette exigence constitutionnelle assure la neutralité du service public tout en protégeant les citoyens contre toute contrainte linguistique lors de leurs démarches officielles.
**B. L’incompatibilité de l’usage des langues régionales dans la vie publique**
La convention prévoit le droit de pratiquer une langue minoritaire dans la vie publique, ce qui inclut les autorités administratives et le domaine de la justice. Le Conseil juge ces dispositions contraires à la Constitution car elles permettent d’écarter la langue nationale au profit d’idiomes locaux dans la sphère officielle. La reconnaissance d’un tel droit porterait atteinte à la cohésion nécessaire au fonctionnement des institutions et à l’intelligibilité des actes de la puissance publique. Seule la sphère privée demeure le lieu légitime de l’usage des langues régionales puisque la norme suprême n’y impose pas l’emploi du français. La décision consacre ainsi une séparation stricte entre la liberté linguistique individuelle et les exigences linguistiques liées à l’exercice de la souveraineté. Le juge maintient une hiérarchie claire qui subordonne la promotion des patrimoines linguistiques locaux au respect des principes structurels de la République.