Conseil constitutionnel, Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 novembre 1999, une décision majeure portant sur la conformité à la Constitution de la loi relative au pacte civil de solidarité. Cette loi crée un nouveau cadre contractuel destiné à organiser la vie commune de deux personnes physiques, indépendamment de leur sexe, sans pour autant modifier l’état civil. Plusieurs membres du Parlement ont saisi la juridiction afin de contester tant la procédure législative que le fond des nombreuses dispositions adoptées par les assemblées. Les requérants invoquaient notamment une méconnaissance de la compétence du législateur ainsi qu’une atteinte manifeste au principe d’égalité devant les charges publiques et le mariage. Le problème juridique central réside dans la capacité du législateur à instaurer une forme d’union civile distincte du mariage sans fragiliser l’ordre public préexistant. La haute juridiction déclare le texte conforme sous de nombreuses réserves d’interprétation destinées à préciser la portée réelle des nouvelles obligations contractuelles ainsi créées. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la définition rigoureuse des obligations du pacte avant d’aborder la validation des avantages sociaux et fiscaux accordés aux partenaires.

I. La consécration d’un nouveau statut civil encadré par des garanties constitutionnelles

A. Une définition législative jugée suffisante au regard de la compétence du législateur

Le Conseil constitutionnel estime que le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence fixée par l’article 34 de la Constitution dans la rédaction du texte. Il précise que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation ». La juridiction interprète cette disposition comme supposant une véritable vie de couple, justifiant ainsi l’application des empêchements à mariage visant à prévenir tout inceste. Cette exigence de vie commune revêt un caractère obligatoire pour les parties, lesquelles ne sauraient y déroger par une clause contractuelle contraire lors de la signature. Le juge constitutionnel renforce ainsi la substance d’un contrat dont les contours auraient pu paraître excessivement flous lors des premiers débats parlementaires sur le sujet. La loi détermine ainsi les composantes essentielles de l’union sans renvoyer indûment au pouvoir réglementaire le soin de définir les éléments structurants du pacte civil.

B. La conciliation entre la liberté contractuelle et la protection des droits des partenaires

Le régime de rupture unilatérale du pacte a été critiqué par les requérants comme étant contraire à la dignité humaine ou aux principes fondamentaux des contrats. La décision rappelle pourtant que « la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 justifie qu’un contrat puisse être rompu unilatéralement par les parties ». Cette faculté de résiliation s’accompagne obligatoirement d’une garantie de réparation du préjudice éventuel subi par le partenaire délaissé en cas de faute caractérisée ou d’abus. Le Conseil constitutionnel veille à ce que l’autonomie de la volonté ne permette pas d’éluder les devoirs nés de cette aide mutuelle et matérielle fixée par la loi. La reconnaissance de ce droit à réparation constitue une limite essentielle à l’exercice arbitraire de la liberté individuelle de rompre le lien contractuel initialement établi. L’équilibre ainsi trouvé permet de respecter la volonté des contractants tout en protégeant le partenaire le plus vulnérable lors de la dissolution de l’union.

II. La validation d’une différenciation juridique respectueuse de l’égalité et de la vie privée

A. La légitimité d’un traitement distinct fondé sur des situations de fait disparates

L’attribution d’avantages fiscaux aux partenaires du pacte a été vivement contestée au regard du principe d’égalité devant les charges publiques par les auteurs des saisines. Le juge constitutionnel considère que les signataires se trouvent dans une situation différente des concubins puisqu’ils sont assujettis à des obligations légales et contractuelles spécifiques. « Cette différence de situation justifie, au regard de l’objet de la loi, la différence de traitement critiquée entre personnes vivant en concubinage et personnes liées par un pacte ». L’imposition commune ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité dès lors qu’elle repose sur la prise en compte réelle des facultés contributives du foyer. Le législateur peut ainsi favoriser la solidarité au sein d’un couple sans pour autant assimiler totalement ce nouveau contrat à l’institution séculaire du mariage républicain. La différenciation opérée par la loi répond à un motif d’intérêt général lié à l’organisation de nouvelles formes de solidarité privée au sein de la société.

B. La préservation de l’ordre public et de l’intimité des contractants

La question de l’enregistrement du pacte au greffe du tribunal d’instance soulevait des inquiétudes légitimes quant au respect de la vie privée et sexuelle des individus. Le Conseil affirme que cet enregistrement ne vise pas à révéler les préférences intimes mais à assurer le respect des règles d’ordre public régissant les personnes. Il appartiendra au pouvoir réglementaire d’aménager l’accès des tiers aux registres afin de « concilier la protection des droits des tiers et le respect de la vie privée ». Le juge constitutionnel garantit également que cette législation n’affecte pas les règles relatives à la filiation, lesquelles demeurent strictement étrangères au domaine du pacte civil. Les garanties résultant de la législation relative à l’informatique et aux libertés s’appliquent pleinement pour protéger les données personnelles recueillies lors des formalités de déclaration. Cette décision préserve finalement l’équilibre entre la reconnaissance de nouvelles formes de vie commune et la sauvegarde nécessaire des principes fondamentaux du droit des personnes.

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Hassan KOHEN
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