Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 janvier 2000, une décision majeure relative à la loi sur la réduction négociée du temps de travail. Cette décision n° 99-423 DC intervient dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité a priori déclenché par des membres du Parlement. Les requérants contestaient la conformité de nombreuses dispositions, invoquant notamment la méconnaissance de la compétence du législateur et des libertés fondamentales. Après une première loi d’incitation en 1998, ce nouveau texte visait à généraliser la semaine de trente-cinq heures par la voie conventionnelle. Le litige portait sur l’équilibre entre les prérogatives de l’État, la liberté des partenaires sociaux et le principe d’égalité entre les salariés. Le Conseil devait déterminer si le législateur avait respecté son domaine de compétence tout en préservant les droits constitutionnels des citoyens. L’étude de cette décision nécessite d’envisager la protection de la compétence législative et contractuelle, puis le respect du principe constitutionnel d’égalité.
I. L’affirmation de la compétence législative et la protection de la stabilité contractuelle
A. La sanction de l’incompétence négative du législateur
Le Conseil constitutionnel censure le législateur pour n’avoir pas précisé les effets de l’inobservation d’une obligation préalable à l’établissement du plan social. Il rappelle que la loi doit déterminer les principes fondamentaux du droit du travail conformément aux exigences de l’article 34 de la Constitution. En déléguant aux autorités administratives le soin de définir les sanctions, le législateur « n’a pas pleinement exercé sa compétence » selon les juges. Cette rigueur garantit que les règles essentielles régissant les licenciements ne soient pas abandonnées à l’arbitraire du pouvoir réglementaire ou du juge. Le Parlement doit assumer la plénitude de ses fonctions afin d’assurer la clarté et la prévisibilité nécessaires à la sécurité juridique des citoyens.
B. La sauvegarde de la liberté contractuelle face à l’innovation législative
La liberté contractuelle bénéficie d’une protection importante par le biais de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le législateur ne peut remettre en cause les accords légalement conclus que s’il justifie d’un « motif d’intérêt général suffisant » pour agir. Le Conseil invalide les dispositions plafonnant arbitrairement la durée annuelle du travail car elles contrariaient des clauses substantielles de conventions déjà signées. Cette décision protège l’économie des contrats passés sous l’empire de la législation précédente contre des modifications législatives trop brutales ou injustifiées. Le respect de la parole donnée par les partenaires sociaux devient ainsi une limite constitutionnelle à l’exercice du pouvoir souverain de la loi.
II. L’exigence de l’égalité de traitement lors de la réduction du temps de travail
A. L’annulation des discriminations relatives au régime des heures supplémentaires
La décision censure les différences de bonification des heures supplémentaires fondées sur la seule application ou non d’un accord de trente-cinq heures. Les salariés placés dans une situation identique au regard de la durée légale ne peuvent subir un traitement financier distinct sans motif valable. Le Conseil affirme qu’aucune raison objective ne justifie cette différence car le non aboutissement des négociations n’est pas individuellement imputable à chaque salarié. Cette solution préserve le principe d’égalité en empêchant que des travailleurs soient pénalisés financièrement par des choix d’organisation qui échappent à leur contrôle. La justice constitutionnelle impose une neutralité des règles de rémunération face aux processus de négociation collective engagés au sein des différentes entreprises.
B. Le rétablissement de l’équité salariale pour les travailleurs à temps partiel
Le dispositif de garantie de rémunération pour les salariés au salaire minimum de croissance devait initialement exclure certains travailleurs employés à temps partiel. Les juges estiment que cette exclusion établit une différence de traitement sans rapport direct avec l’objectif de maintien du pouvoir d’achat recherché. La censure des termes litigieux permet de rétablir une égalité de rémunération conforme aux principes fondamentaux régissant les relations entre les divers salariés. Le Conseil constitutionnel veille à ce que la transition vers la nouvelle durée légale du travail ne crée pas de poches de précarité injustifiées. Cette vigilance assure une cohérence sociale globale tout en limitant les effets potentiellement néfastes d’une réforme d’une telle ampleur sur les revenus.