La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 1er juillet 2025, une solution précisant le régime juridique de la prolongation d’une interdiction de retour.
Un ressortissant de nationalité tunisienne a fait l’objet d’une mesure d’éloignement assortie d’une interdiction de retour sur le territoire le 17 mars 2023. L’autorité préfectorale a décidé, par deux arrêtés du 28 février 2025, de prolonger cette interdiction et d’assigner l’intéressé à une résidence administrative. Le tribunal administratif de Bordeaux a initialement annulé ces décisions le 10 avril 2025 en raison d’une confusion manifeste sur l’accord international applicable. Le préfet a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en soutenant que cette mention erronée constituait une simple et regrettable erreur de plume. Le litige porte sur la qualification juridique d’une erreur matérielle et sur le respect du droit fondamental de l’étranger à être préalablement entendu. Les juges d’appel retiennent la validité de l’acte administratif malgré l’imprécision textuelle et confirment ainsi la légalité de la mesure de police administrative.
I. La reconnaissance d’une erreur matérielle dépourvue d’incidence sur la légalité de l’acte
A. La substitution de la qualification d’erreur de plume à celle d’erreur de droit
Le juge de première instance avait censuré l’acte administratif car le préfet invoquait les stipulations relatives aux ressortissants algériens pour un citoyen tunisien. La cour administrative d’appel de Bordeaux considère cependant que l’administration a seulement « commis une erreur de plume, certes regrettable » dans la rédaction de l’arrêté. Les visas de la décision mentionnaient explicitement l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que la nationalité exacte de la personne faisant l’objet du litige. L’erreur consistant à évoquer un « certificat de résidence algérien » est donc neutralisée par la cohérence globale du dossier et des autres mentions de l’acte. Cette inexactitude matérielle demeure « nécessairement sans influence sur la légalité de l’arrêté » dès lors que les conditions de fond de l’éloignement restaient par ailleurs remplies. Le juge administratif privilégie ainsi une approche pragmatique de la légalité en sauvant l’acte dont l’erreur ne fausse pas le sens du raisonnement juridique.
B. L’effectivité limitée du droit d’être entendu lors de la prolongation de l’interdiction
Le requérant invoquait également la violation de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux pour contester l’absence d’information préalable sur la mesure envisagée. La juridiction d’appel rappelle toutefois que ce texte s’adresse uniquement aux institutions de l’Union européenne et demeure inopérant à l’encontre d’une autorité étatique. Le droit d’être entendu, principe général du droit de l’Union, suppose seulement que l’étranger puisse « présenter spontanément des observations écrites ou demander un entretien » utile. L’intéressé a bénéficié d’une audition le jour de la décision au cours de laquelle il a pu librement faire valoir sa situation personnelle complète. L’absence d’annonce explicite du projet de prolongation de l’interdiction ne constitue pas une irrégularité puisque la procédure n’aurait pas abouti à un résultat différent. La cour administrative d’appel de Bordeaux valide cette procédure en considérant que les garanties essentielles de la défense ont été concrètement respectées par les services préfectoraux.
II. La pérennité des mesures d’éloignement face aux évolutions législatives et factuelles
A. La validité maintenue de l’obligation de quitter le territoire comme fondement juridique
L’étranger soutenait que l’obligation de quitter le territoire prononcée en 2023 ne pouvait plus valablement fonder une prolongation d’interdiction de retour en février 2025. Il invoquait à ce titre le principe de non-rétroactivité des lois plus sévères suite aux modifications législatives intervenues lors de l’année 2024. Le juge d’appel précise qu’aucune disposition nouvelle n’est venue limiter le délai pendant lequel une telle mesure d’éloignement constitue la base légale de l’interdiction. L’administration peut donc légalement se fonder sur une décision d’éloignement antérieure tant que celle-ci n’est pas dépourvue d’exécution pendant une durée supérieure à trois ans. La cour rejette l’argument de la rétroactivité en soulignant que le cadre juridique de l’interdiction de retour n’a pas été substantiellement durci par le législateur. Cette solution renforce la stabilité des mesures de police des étrangers en permettant leur mise en œuvre sur une période prolongée malgré l’écoulement du temps.
B. La proportionnalité de la mesure de sûreté au regard de la situation personnelle
La légalité de la prolongation de l’interdiction de retour dépend de l’examen approfondi des liens familiaux et de la menace éventuelle pour l’ordre public. L’intéressé résidait en France depuis seulement trois ans et s’était maintenu de manière irrégulière sur le sol national malgré une précédente mesure d’éloignement. Le juge relève que le requérant est célibataire, sans enfant et sans logement stable, ce qui affaiblit considérablement l’invocation d’une vie privée et familiale. L’autorité administrative n’a commis aucune erreur d’appréciation en fixant la durée de la nouvelle interdiction à deux ans compte tenu de ces éléments factuels. L’assignation à résidence est également confirmée puisque l’éloignement demeure une « perspective raisonnable » grâce aux démarches entreprises auprès des autorités consulaires pour l’obtention d’un laissez-passer. La cour administrative d’appel de Bordeaux valide ainsi l’intégralité du dispositif coercitif en estimant que l’intérêt général de la police des étrangers l’emporte ici.