Par un arrêt en date du 12 juin 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur les conditions d’octroi d’un titre de séjour à un ressortissant algérien pour raisons de santé. En l’espèce, un individu de nationalité algérienne, entré sur le territoire français de manière irrégulière, avait sollicité son admission au séjour en invoquant son état de santé. Il soutenait qu’un défaut de prise en charge médicale en France pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne pourrait bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.
Le préfet de la Gironde a rejeté sa demande par un arrêté du 11 août 2023, assortissant sa décision d’une obligation de quitter le territoire français. Cette décision administrative se fondait sur un avis émis par le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, lequel, tout en reconnaissant la nécessité d’une prise en charge médicale pour le demandeur, concluait à la disponibilité d’un traitement approprié dans son pays. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande par un jugement du 19 juin 2024. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, contestant tant le refus de séjour que la mesure d’éloignement subséquente.
La question de droit posée à la cour administrative d’appel était donc de déterminer l’étendue de son contrôle sur l’appréciation portée par l’autorité préfectorale, s’agissant de la disponibilité effective d’un traitement dans le pays d’origine, lorsque cette appréciation repose sur l’avis d’un collège de médecins. La cour a rejeté la requête, confirmant que le requérant n’apportait pas d’éléments suffisants pour remettre en cause l’avis médical sur lequel le préfet s’était appuyé, et validant par conséquent l’ensemble de la décision contestée.
Cette décision illustre le rôle central de l’avis médical dans le contentieux des étrangers malades (I), tout en confirmant la charge probatoire particulièrement exigeante qui pèse sur le requérant (II).
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I. Un contrôle juridictionnel centré sur l’avis du collège de médecins
La solution retenue par la cour administrative d’appel confirme le caractère déterminant de l’avis émis par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (A) et, par conséquent, circonscrit l’office du juge administratif à un contrôle restreint de l’appréciation qui en est faite (B).
A. Le rôle pivot de l’avis médical dans l’appréciation de l’administration
La procédure d’admission au séjour pour soins est strictement encadrée par les textes, notamment par l’article 6, alinéa 7, de l’accord franco-algérien. Ce dernier subordonne la délivrance du certificat de résidence à une double condition cumulative : un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et l’impossibilité pour l’étranger de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays. L’arrêt commenté rappelle que l’évaluation de cette seconde condition est confiée au collège de médecins de l’OFII.
La cour réaffirme ainsi que l’avis de ce collège constitue l’élément essentiel sur lequel le préfet fonde sa décision. En l’espèce, l’avis du 12 juillet 2023 concluait que, si la pathologie du requérant était grave, il pouvait néanmoins « bénéficier effectivement d’un traitement approprié » dans son pays. En se rangeant derrière cette conclusion technique, le préfet a fait une application classique des dispositions en vigueur. La décision juridictionnelle valide cette démarche, conférant à l’avis une autorité quasi-décisive, sauf à ce que des éléments probants viennent le contredire.
B. L’office circonscrit du juge administratif en matière de contrôle
Face à un tel avis, le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation médicale à celle du collège de médecins spécialisés. Son rôle se limite à vérifier que la décision du préfet, éclairée par cet avis, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des pièces du dossier. L’arrêt met en évidence cette déférence du juge envers l’expertise médicale.
La cour examine les arguments du requérant, qui faisait valoir la spécificité de son suivi en France et le risque d’une amputation en cas de retour, mais elle estime que les éléments produits ne suffisent pas à établir une telle erreur. Elle relève que les pièces, notamment un certificat médical ancien ou des généralités sur le système de santé algérien, ne permettent pas de « remettre en cause l’avis précité de l’OFII ». Le juge se positionne donc non comme un contre-expert, mais comme un contrôleur de la cohérence et de la pertinence des éléments soumis à l’administration.
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II. Une confirmation des exigences probatoires pesant sur le requérant
La décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux met en lumière la lourde charge de la preuve qui incombe au demandeur souhaitant contester l’avis médical (A), ce qui conduit logiquement au rejet des autres moyens soulevés qui en dépendent (B).
A. La charge de la preuve du défaut de traitement approprié
L’arrêt souligne un principe fondamental de ce contentieux : il appartient au seul requérant de contester utilement le sens de l’avis médical. Pour ce faire, il doit produire des éléments précis, circonstanciés et actuels, susceptibles de démontrer l’indisponibilité réelle et effective des soins requis dans son pays d’origine. La cour applique la règle selon laquelle « il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer ».
En l’espèce, le requérant a échoué dans cette démonstration. Le juge note que, malgré la liste de ses pathologies et les certificats produits, « il ne ressort d’aucune des pièces du dossier » que l’intéressé ne pourrait bénéficier des soins adéquats, y compris pour sa pathologie psychiatrique. Cette approche, si elle est juridiquement fondée, place l’étranger dans une situation probatoire difficile, puisqu’il doit apporter une preuve souvent complexe à obtenir depuis la France sur l’état et l’accessibilité d’un système de santé étranger.
B. Le rejet conséquent des moyens accessoires
La légalité du refus de séjour étant ainsi établie, la cour écarte logiquement les autres moyens présentés par le requérant. L’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français, soulevée par voie d’exception, est rejetée dès lors que la décision principale à laquelle elle se rattache est jugée légale. De même, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est écarté pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à valider le refus de séjour.
Enfin, les arguments fondés sur la méconnaissance du droit d’être entendu ou sur l’atteinte à la vie privée et familiale garantie par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sont également rejetés. La cour considère ces moyens comme insuffisamment étayés ou comme n’étant pas renouvelés utilement en appel. Cette décision, en appliquant une jurisprudence constante de manière rigoureuse, s’analyse comme une décision d’espèce dont la portée se limite à réaffirmer les standards de preuve et de contrôle dans ce domaine spécifique du droit des étrangers.