Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 19 décembre 2024, n°22BX02990

La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 19 décembre 2024, une décision relative à l’interdiction d’accès d’un proche au sein d’un service hospitalier.

Une administrée contestait le rejet par le tribunal administratif de Pau, le 13 octobre 2022, de sa demande d’annulation d’une décision d’interdiction de visite.

La requérante avait été impliquée dans plusieurs altercations verbales et des menaces graves envers le personnel soignant durant l’hospitalisation de sa mère.

Le litige soulève la question de la conciliation entre les pouvoirs de police du directeur et le droit au respect de la vie familiale normale.

La juridiction administrative rejette la requête en estimant que la gravité du comportement justifiait une mesure restrictive proportionnée aux impératifs de sécurité du service.

L’analyse de cette solution impose d’étudier la consécration du pouvoir de police du directeur avant d’apprécier la validité du contrôle de proportionnalité opéré par le juge.

I. La reconnaissance d’un pouvoir de police administrative nécessaire au service public

A. L’encadrement légal du droit de visite par le directeur

Le code de la santé publique dispose que le directeur « conduit la politique générale de l’établissement » et dispose d’une compétence de police intérieure.

L’article R. 1112-47 précise que les visiteurs ne doivent pas « troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services » sous peine d’expulsion.

Le juge administratif confirme ici que « le directeur d’un établissement public d’hospitalisation dispose d’un pouvoir de police générale dans l’établissement » pour assurer la sécurité.

Cette prérogative permet de restreindre l’accès aux locaux dès lors que les circonstances de l’espèce compromettent la sérénité indispensable aux soins et aux patients.

B. La caractérisation souveraine des troubles au fonctionnement hospitalier

La décision d’interdiction reposait sur de nombreux incidents incluant des menaces de destruction de l’hôpital et des agressions verbales répétées envers les équipes soignantes.

Le dossier révélait également des enregistrements non autorisés d’échanges avec les médecins et des modifications indues du dossier d’admission de la patiente hospitalisée.

La cour estime que ces « multiples signalements concordants » établissent la matérialité des faits et la particulière gravité de l’attitude de la fille de la patiente.

L’absence de changement de comportement après un avertissement formel renforce la légitimité de l’intervention de l’autorité administrative pour protéger le personnel et l’établissement.

La validation de ce pouvoir de police par le juge administratif s’accompagne néanmoins d’une vérification stricte du respect des libertés fondamentales de l’administré.

II. La validation de la proportionnalité de l’exclusion au regard des libertés

A. Une ingérence justifiée dans le droit au respect de la vie familiale

La requérante invoquait la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde.

Si le directeur peut porter atteinte à cette liberté fondamentale, le juge rappelle que les mesures doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées aux buts recherchés ».

Le maintien des liens familiaux constitue un principe directeur de la charte de la personne hospitalisée mais ne saurait autoriser des perturbations graves du service.

L’interdiction d’accès est jugée légale car elle répond à une menace caractérisée visant à la fois l’intégrité physique des soignants et la sécurité des biens.

B. L’indépendance de la police administrative face aux procédures pénales

La contestation de la décision administrative s’appuyait également sur le principe de présomption d’innocence en raison d’une procédure pénale parallèle encore en cours.

Le juge précise que l’administré « ne saurait utilement se prévaloir de la présomption d’innocence » car la mesure de police ne constitue pas une sanction.

L’indépendance des juridictions permet ainsi de valider l’exclusion sur le fondement du trouble à l’ordre public, sans attendre l’issue définitive du procès correctionnel.

Cette solution consacre la primauté de l’impératif de bon fonctionnement hospitalier sur les intérêts individuels lorsque ces derniers portent préjudice à la collectivité soignante.

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Hassan KOHEN
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