Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 19 juin 2025, n°23BX02054

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt rendu le 19 juin 2025, statue sur l’imposition de revenus provenant d’agissements illicites. Un contribuable a utilisé les fonds d’une personne vulnérable pour ses besoins personnels, entraînant une rectification d’office par l’administration fiscale. Le tribunal administratif de Bordeaux ayant partiellement rejeté sa demande en décharge le 1er juin 2023, l’intéressé interjette appel pour contester l’imposition. Le litige porte sur la qualification de bénéfices non commerciaux attribuée à des sommes perçues sans intention libérale démontrée de la part de la victime. La juridiction d’appel doit déterminer si l’exercice d’une activité illicite dispense l’administration d’une mise en demeure préalable avant de taxer d’office les profits. L’examen de cette décision commande d’analyser la qualification juridique des profits illicites avant d’étudier la régularité de la procédure de taxation d’office.

I. La qualification juridique des profits issus d’une activité illicite

A. L’appréhension fiscale des sommes détournées au titre des bénéfices non commerciaux

Le juge précise que les sommes perçues par le contribuable constituent « une source de profit ne se rattachant à aucune catégorie déterminée de revenus ». Ces revenus sont alors imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, conformément aux dispositions de l’article 92 du code général des impôts. L’administration démontre l’absence d’intention libérale en soulignant l’importance des sommes et l’état de vulnérabilité de la personne dont les fonds sont issus. La Cour rejette l’argumentation fondée sur un testament, estimant que ce document « ne peut être regardé comme suffisant pour remettre en cause les constatations ». La réalité des dépenses de loisirs et des retraits bancaires confirme le caractère lucratif et personnel de l’occupation exercée par le requérant.

B. L’autonomie de l’administration fiscale dans la caractérisation de l’illicéité

L’arrêt souligne que l’administration fiscale peut qualifier elle-même les faits dont elle a connaissance grâce à son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire. La Cour affirme que le service « n’était pas tenu d’attendre l’issue de la procédure pénale en cours » pour procéder aux redressements litigieux. Cette indépendance permet au vérificateur de retenir l’existence d’une activité illicite dès lors que les agissements sont constitutifs d’abus de faiblesse. Le juge valide ainsi la démarche consistant à tirer les conséquences fiscales de faits pénalement répréhensibles sans attendre une condamnation définitive. Cette position renforce l’efficacité du contrôle fiscal face aux sources de profits occultes et garantit l’imposition de revenus indus.

Cette qualification des faits emporte des conséquences directes sur le respect des garanties procédurales accordées au contribuable lors de la mise en œuvre de la taxation.

II. Le régime procédural dérogatoire lié à la découverte d’une activité occulte

A. La dispense de mise en demeure préalable à l’évaluation d’office

L’article L. 68 du livre des procédures fiscales dispense l’administration de toute mise en demeure si le contribuable s’est livré à une activité occulte. La Cour considère que l’activité est occulte dès lors que l’intéressé n’a souscrit aucune déclaration et s’est livré à des actes illicites. Le juge administratif rappelle que l’administration est alors « dispensée de procéder à une mise en demeure préalable à l’évaluation d’office » des revenus imposables. Cette solution s’explique par la volonté du législateur de ne pas accorder de délai de régularisation aux contribuables dissimulant des profits illégaux. Le défaut de déclaration dans les délais légaux suffit à justifier le recours immédiat à la procédure d’évaluation d’office par le service.

B. La validation de la majoration de 80 % pour activité occulte

Le litige porte enfin sur l’application de la majoration prévue par l’article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d’activité occulte. L’administration a régulièrement motivé cette sanction en précisant les circonstances de droit et de fait ayant conduit à retenir le caractère illicite des revenus. Le juge estime que la proposition de rectification mentionne suffisamment les considérations de droit et de fait qui fondent la pénalité contestée par le contribuable. La Cour confirme que les faits d’abus de faiblesse caractérisent une activité illicite ayant un caractère occulte au sens de la loi fiscale. Le rejet de la requête confirme la sévérité du juge envers les comportements frauduleux visant à soustraire des profits illicites à l’impôt.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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