Par un arrêt en date du 2 octobre 2025, une cour administrative d’appel a statué sur la légalité d’un ensemble de décisions préfectorales ordonnant l’éloignement d’un ressortissant étranger en situation irrégulière. En l’espèce, un individu de nationalité mauritanienne, entré sur le territoire français en 2022, avait vu sa demande d’asile rejetée. Faisant l’objet d’une première obligation de quitter le territoire français à laquelle il n’avait pas déféré, il fut interpellé près de deux ans plus tard. Le préfet compétent a alors édicté à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire, cette fois sans délai de départ volontaire, une interdiction de retour de deux ans, et une assignation à résidence de quarante-cinq jours. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Pau avait rejeté sa demande d’annulation de ces actes. Le requérant a donc interjeté appel de ce jugement, contestant la régularité de chacune des mesures prises à son encontre pour des motifs tenant tant à la légalité externe qu’interne. Il appartenait ainsi aux juges d’appel de déterminer si l’autorité préfectorale, en prononçant une série de mesures contraignantes à l’encontre d’un étranger s’étant déjà soustrait à une précédente mesure d’éloignement, avait correctement exercé son pouvoir d’appréciation au regard des faits et du droit applicable. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant la légalité de l’ensemble des décisions contestées.
I. La confirmation du pouvoir d’appréciation de l’administration face à un étranger en situation irrégulière
La cour valide sans équivoque la décision principale d’éloignement en s’appuyant sur la situation objectivement irrégulière de l’étranger (A), ce qui justifie par ailleurs le refus de lui octroyer un délai pour quitter le territoire de sa propre initiative (B).
A. La validation d’une obligation de quitter le territoire fondée sur la persistance de l’irrégularité du séjour
Le juge administratif rappelle que l’obligation de quitter le territoire français trouve un fondement légal solide dans le maintien de l’étranger sur le territoire sans titre de séjour valide. L’arrêt souligne que le requérant, après le rejet de sa demande d’asile, se trouvait dans une situation d’illégalité qui justifiait l’intervention de l’autorité administrative. La cour écarte l’argument tiré d’une prétendue erreur de fait en constatant que l’intéressé « n’apporte pas d’élément de nature à établir que la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet serait entachée d’une inexactitude matérielle au regard des motifs sur lesquels elle se fonde ». Cette approche réaffirme que la charge de la preuve d’une telle erreur incombe au requérant, lequel ne peut se contenter d’invoquer sa volonté de régularisation ou la nécessité d’exercer une activité professionnelle non déclarée. La décision de la cour s’inscrit ainsi dans une application rigoureuse des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, où la seule constatation du maintien irrégulier sur le territoire suffit, en principe, à fonder légalement la mesure d’éloignement.
B. La justification du refus d’un délai de départ volontaire par le risque de soustraction
La cour examine ensuite la légalité de la décision refusant d’accorder un délai de départ volontaire, une mesure qui aggrave significativement les conditions de l’éloignement. Elle estime que la décision préfectorale est suffisamment motivée, car elle expose clairement les raisons factuelles et juridiques de ce refus. L’administration s’est fondée sur un ensemble d’indices concordants, notamment le fait que l’intéressé se soit déjà « soustrait à une précédente mesure d’éloignement ». La cour relève également que le préfet a pris en compte l’absence de garanties de représentation suffisantes, telles qu’un domicile fixe et une activité professionnelle régulière, pour en déduire « qu’il existe un risque que l’intéressé se soustraie à la mesure d’éloignement ». En validant ce raisonnement, le juge confirme que le comportement passé de l’étranger constitue un critère déterminant dans l’appréciation de ce risque. De plus, il est jugé que le préfet a bien procédé à un examen particulier de la situation, écartant le grief du requérant qui affirmait que sa domiciliation et son travail n’avaient pas été considérés.
Les mesures principales étant ainsi jugées régulières, il restait à la cour de se prononcer sur la proportionnalité des décisions accessoires qui restreignent plus encore les droits de l’étranger.
II. Le contrôle rigoureux mais non excessif des mesures accessoires à l’éloignement
Le juge administratif exerce un contrôle sur la proportionnalité de l’interdiction de retour, en tenant compte de la situation personnelle de l’étranger (A), et valide les contraintes de l’assignation à résidence comme une alternative justifiée à une mesure plus privative de liberté (B).
A. L’appréciation de la proportionnalité de l’interdiction de retour au regard de la situation personnelle de l’étranger
La cour procède à une analyse détaillée de la décision fixant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Elle vérifie que le préfet a bien respecté les critères énumérés par le code, qui incluent la durée de présence en France, la nature des liens avec le pays et l’existence de précédentes mesures d’éloignement. L’arrêt constate que la motivation de l’acte est suffisante, le préfet ayant relevé le caractère récent de la présence de l’intéressé, son absence d’attaches familiales et le fait qu’il s’était déjà soustrait à une première mesure. La cour conclut que, sur la base de ces éléments, le préfet n’a pas commis d’erreur d’appréciation. Il est particulièrement notable que la décision précise que « alors même qu’il ne représente pas une menace pour l’ordre public, le préfet (…) n’a pas commis d’erreur d’appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans ». Cet élément démontre que l’absence de menace à l’ordre public, si elle est prise en compte, n’est pas un obstacle dirimant à une interdiction de retour d’une durée significative lorsque d’autres critères, comme le manque d’intégration et le non-respect d’une décision antérieure, sont réunis.
B. L’admission de l’assignation à résidence et de ses contraintes comme mesure justifiée
Enfin, la cour se penche sur l’arrêté d’assignation à résidence. Elle écarte le grief d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Si le requérant invoquait un emploi et une domiciliation qui auraient été entravés par cette mesure, le juge retient qu’il « ne justifie pas d’un domicile fixe (…), ni d’une autorisation de travail pour l’emploi qu’il occupe ». Dès lors, l’ingérence dans sa vie privée est considérée comme proportionnée à l’objectif poursuivi, à savoir garantir l’exécution de l’obligation de quitter le territoire. Concernant les modalités de contrôle, qui imposaient à l’étranger de se présenter régulièrement dans un service de police situé dans un autre département que celui où il prétendait travailler, la cour estime qu’elles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. En jugeant que les contraintes liées à l’assignation à résidence sont justifiées par la situation précaire et irrégulière de l’intéressé, la cour confirme la marge d’appréciation de l’administration dans le choix de mesures coercitives mais alternatives à la rétention administrative.