La cour administrative d’appel de Bordeaux, par une décision du 20 février 2025, examine la légalité d’une autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé. Un salarié exerçant les fonctions de guide et investi de mandats représentatifs a fait l’objet d’une demande d’autorisation de licenciement par sa société employeuse. L’inspecteur du travail a autorisé ce licenciement en juillet 2018, décision confirmée par le ministre chargé du travail à la suite d’un recours hiérarchique. Le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande d’annulation de l’intéressé par un jugement rendu en date du 13 juillet 2021. Saisie en appel, la juridiction de Bordeaux a vu son premier arrêt annulé par le Conseil d’État avant d’être à nouveau investie du litige. Les juges doivent apprécier si l’insubordination et l’attitude nuisible du salarié constituent une faute d’une gravité suffisante pour rompre son contrat de travail. L’arrêt confirme l’autorisation administrative en écartant certains griefs pour se concentrer sur la persistance d’un comportement outrancier incompatible avec la poursuite de la relation contractuelle. Il convient d’étudier la délimitation rigoureuse des faits fautifs (I) avant d’analyser la caractérisation de la faute de gravité suffisante justifiant le licenciement (II).
I. L’exigence de certitude quant à la matérialité et au caractère fautif des agissements
A. L’exclusion des faits incertains ou inhérents à l’exercice du mandat
L’autorité administrative doit vérifier scrupuleusement la matérialité des faits invoqués à l’appui d’une demande de licenciement pour motif disciplinaire d’un salarié protégé. La cour administrative d’appel écarte d’abord le grief relatif à la dégradation volontaire d’un loquet en raison d’un défaut de preuve certaine de l’intention. Elle énonce qu’il « subsiste un doute sur le caractère volontaire de la dégradation qui doit profiter à l’intéressé » conformément aux principes généraux du droit. De même, le retrait par le salarié du règlement intérieur non signé ne peut être qualifié de fautif car cette action est protégée. Les juges précisent que cet acte « entrait dans le champ des attributions syndicales de l’intéressé » et ne saurait donc justifier une sanction disciplinaire de la part de l’employeur.
B. La constatation d’un comportement agressif et répété envers la direction
Le juge de l’excès de pouvoir valide toutefois la matérialité d’autres griefs reposant sur des témoignages concordants et des échanges écrits entre les parties. Le salarié a multiplié les appels téléphoniques et les courriers électroniques sur un ton polémique et agressif en dehors des circuits de communication habituels. La matérialité de ces faits est établie par de nombreux témoignages malgré la critique par l’appelant de la forme des attestations produites par ses collègues. Ces agissements, marqués par des propos outrageants et des altercations violentes en présence de tiers, excèdent les limites de la liberté d’expression inhérente au contrat de travail. Cette attitude nuisible constitue le socle du raisonnement juridique suivi par la juridiction pour confirmer le bien-fondé de la décision de licenciement prise initialement.
Le caractère fautif des agissements étant établi, il importe pour la cour d’en apprécier la gravité au regard du contexte conflictuel entourant l’exécution du mandat.
II. La caractérisation d’une faute d’une gravité suffisante autorisant la rupture du contrat
A. Le maintien du caractère fautif malgré la part de responsabilité de l’employeur
L’appréciation de la gravité de la faute nécessite une analyse globale de l’environnement professionnel, notamment lorsque les relations entre les parties sont particulièrement dégradées. La juridiction bordelaise reconnaît explicitement que « le comportement de l’employeur a participé du caractère conflictuel de sa relation » en cherchant à isoler et à dénigrer l’intéressé. Toutefois, ces provocations patronales ne sauraient exonérer le salarié de sa propre responsabilité disciplinaire lorsque ses agissements présentent un caractère répété et violent. La cour relève la persistance du comportement nuisible sur plusieurs années ainsi que l’inefficacité des sanctions antérieures, telle qu’une mise à pied disciplinaire de trois jours. Cette accumulation de manquements caractérise ainsi une faute d’une gravité suffisante pour rendre impossible le maintien du salarié au sein des effectifs de l’entreprise.
B. L’absence de lien avec les fonctions représentatives et la proportionnalité de la sanction
La protection exceptionnelle du salarié impose à l’administration de s’assurer que la mesure d’éviction est dépourvue de lien avec l’exercice normal de ses mandats représentatifs. Bien que l’intéressé ait procédé à des signalements de dysfonctionnements auprès de l’inspection du travail, ces actions ne sauraient couvrir des manquements disciplinaires graves. Les juges considèrent que la demande d’autorisation n’est pas en rapport avec les fonctions exercées malgré la proximité temporelle avec les élections professionnelles organisées. L’inspecteur du travail aurait ainsi pris la même décision en se fondant uniquement sur le grief du comportement agressif persistant envers la direction. La cour rejette par conséquent la requête de l’appelant et confirme la légalité des décisions administratives autorisant son licenciement pour faute d’une gravité suffisante.