Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 23 décembre 2024, n°22BX03049

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt rendu le 23 décembre 2024, précise les conditions d’opposabilité des délais de recours contre les décisions administratives implicites.

Un agent public contestait le non-versement de ses traitements ainsi que le retrait de jours de son compte épargne-temps suite à une mesure de mise en disponibilité.

L’intéressé a saisi le tribunal administratif de Pau afin d’obtenir l’annulation du rejet né du silence gardé par l’autorité rectorale sur sa réclamation pécuniaire initiale.

Les premiers juges ont rejeté sa demande au motif de sa tardivité car la requête fut enregistrée plus de deux mois après la naissance du rejet contesté.

Le requérant soutient en appel que l’absence d’accusé de réception mentionnant les voies de recours empêchait le déclenchement du délai de forclusion à son encontre.

Le litige porte sur l’application des règles de forclusion aux agents publics dans le cadre de leurs relations avec l’administration lorsqu’une décision naît du silence.

La juridiction d’appel confirme l’irrecevabilité de la demande en jugeant que l’obligation de délivrer un accusé de réception ne s’applique pas aux agents de l’État.

Cette solution conduit à étudier la computation rigoureuse du délai de recours contentieux (I) avant d’analyser l’exclusion du régime protecteur de l’accusé de réception (II).

I. La computation rigoureuse du délai de recours contre le rejet implicite

A. Le mécanisme de formation de la décision de rejet invisible

En vertu du code de justice administrative, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision administrative préalable et identifiée.

Le texte précise que « le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet » dans les relations entretenues avec ses propres agents publics.

En l’espèce, la réception du courrier de l’agent par le recteur a marqué le point de départ du délai de naissance de ce rejet implicite contesté.

La décision est ainsi intervenue deux mois après cette réception, fixant le terme de la période permettant d’introduire un recours contentieux recevable devant le juge.

Cette naissance automatique du rejet impose à l’agent une vigilance particulière pour respecter les délais fixés par les dispositions du code de justice administrative.

B. La sanction de la tardivité par l’irrecevabilité de la requête

La cour constate que le requérant disposait d’un délai de deux mois pour contester ce rejet né du silence de l’autorité académique territorialement compétente.

La demande de première instance ayant été enregistrée après l’expiration de ce délai, elle se heurtait à une fin de non-recevoir tirée de la tardivité manifeste.

L’absence d’information sur les conditions de naissance d’une décision implicite ne modifie pas la computation rigoureuse du délai imparti par le code à l’agent.

Le juge administratif privilégie ici la sécurité juridique des décisions administratives au détriment de la protection procédurale du justiciable même si celui-ci ignore le rejet.

Cette rigueur contentieuse est rendue possible par l’exclusion de certaines garanties procédurales dont bénéficient normalement les administrés dans leurs relations avec les services de l’État.

II. L’éviction du régime de l’accusé de réception pour les agents publics

A. Une dérogation textuelle au droit commun des relations administratives

Le code des relations entre le public et l’administration impose la délivrance d’un accusé de réception pour rendre les délais de recours opposables au demandeur initial.

Toutefois, l’article L. 112-2 du même code dispose que ces règles protectrices « ne sont pas applicables » aux relations liant l’administration à ses agents publics.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux souligne que cette exclusion concerne tant les agents en activité que ceux admis à faire valoir leurs droits à la retraite.

Cette spécificité du droit de la fonction publique écarte la protection générale accordée aux citoyens ordinaires dans leurs diverses démarches auprès des administrations de l’État.

L’exclusion de cette formalité substantielle repose sur la présomption de connaissance des règles juridiques par les membres de la fonction publique au sein de leur service.

B. La primauté de la sécurité juridique dans la gestion des agents

Les délais de recours demeurent opposables « alors même que l’administration n’a pas accusé réception de cette demande » initiale déposée par l’agent de l’académie compétente.

Cette jurisprudence confirme la portée restreinte des obligations d’information pesant sur l’employeur public lors de la gestion des réclamations pécuniaires déposées par ses propres collaborateurs.

La décision de rejet implicite devient définitive de manière automatique sans qu’aucune notification des voies de recours ne soit juridiquement nécessaire de la part de l’administration.

Le système contentieux valide ainsi une forme de mutisme administratif qui prive l’agent d’une véritable protection contre les effets du temps sur ses droits individuels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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