Par un arrêt rendu le 23 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux se prononce sur la légalité des décisions relatives à la carrière d’un agent hospitalier. Un infirmier exerçant dans un centre hospitalier a sollicité l’annulation d’un refus implicite concernant son avancement de grade, une bonification indiciaire et son reclassement. Le requérant invoquait également un préjudice moral et financier résultant d’une prétendue discrimination dans l’accès aux fonctions d’encadrement au sein de l’établissement public de santé.
Saisi en première instance, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté l’intégralité de sa demande par un jugement rendu le 2 mars 2023. L’agent a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure pour obtenir l’annulation de ce jugement et la condamnation de son employeur à l’indemniser. L’appelant soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la discrimination et que ses demandes indemnitaires étaient recevables malgré l’absence de chiffrage initial.
La question posée à la juridiction d’appel porte sur les conditions de recevabilité des conclusions nouvelles et sur la charge de la preuve en matière de discrimination. La cour devait déterminer si le silence de l’administration sur un recours gracieux liait valablement le contentieux pour l’ensemble des prétentions formulées ultérieurement par l’agent.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux rejette la requête en confirmant l’irrecevabilité des conclusions nouvelles et l’absence d’éléments de fait de nature à caractériser une discrimination. L’analyse de cet arrêt exige d’aborder la validation du cadre procédural du litige ainsi que le contrôle juridictionnel exercé sur l’avancement des agents hospitaliers.
I. La confirmation d’un cadre procédural strict limitant l’office du juge
A. L’irrecevabilité des conclusions nouvelles et le défaut de liaison du contentieux
La juridiction d’appel rappelle que les conclusions tendant à l’annulation de décisions non soumises aux premiers juges constituent des demandes nouvelles irrecevables en appel. En l’espèce, le recours gracieux initial ne portait pas sur l’attribution de la bonification indiciaire ou sur la révision de la notation annuelle de l’agent. La cour précise que « l’intéressé a produit son courrier » mais que ce document ne concernait pas l’intégralité des prétentions formulées ultérieurement. L’absence de demande indemnitaire chiffrée et préalable auprès de l’administration empêche par ailleurs la liaison du contentieux nécessaire à l’exercice d’un recours de pleine juridiction.
B. La régularité du jugement de première instance quant à l’obligation de motivation
Le requérant critiquait la motivation du jugement attaqué, estimant que les premiers juges n’avaient pas suffisamment répondu au moyen tiré du caractère discriminatoire de la décision. La cour administrative d’appel écarte ce grief en soulignant que le tribunal a précisément indiqué les raisons pour lesquelles aucun traitement défavorable n’était établi. Les juges soulignent que « les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu aux moyens » soulevés par l’appelant lors de la procédure écrite devant la juridiction. La régularité externe de la décision juridictionnelle est ainsi préservée indépendamment de l’analyse du bien-fondé de la solution juridique apportée par le tribunal administratif de Fort-de-France.
II. Le contrôle restreint du juge sur les décisions relatives au déroulement de carrière
A. La protection du pouvoir d’appréciation de l’administration en matière d’avancement
L’avancement de grade au choix s’effectue par voie d’inscription à un tableau annuel établi selon l’appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience. L’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour choisir les agents promus parmi ceux remplissant les conditions statutaires d’ancienneté. La cour relève que le requérant ne produit aucun « élément relatif à sa valeur professionnelle » pour les années précédant la décision de refus attaquée devant le juge. L’administration n’est pas tenue de promouvoir un agent au seul motif qu’il remplit les conditions d’ancienneté requises par le statut particulier du corps.
B. L’exigence probatoire pesant sur le requérant alléguant une rupture d’égalité
En matière de discrimination, il appartient au requérant de présenter des éléments de fait suggérant l’existence d’une rupture d’égalité fondée sur des motifs prohibés. Le juge administratif vérifie si les éléments produits sont de nature à faire présumer que la décision repose sur des motifs étrangers à l’intérêt du service. En l’espèce, l’appelant n’a pas démontré que ses collègues promus se trouvaient dans une situation identique à la sienne au regard des mérites professionnels. La cour conclut que l’agent « n’apporte ainsi aucun élément de nature à faire présumer que le refus d’avancement dont il a fait l’objet reposerait sur des motifs étrangers » à l’appréciation des mérites.