La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 26 juin 2025, une décision précisant le régime juridique des groupements d’établissements publics d’enseignement. Un agent, recruté initialement comme vacataire pour des missions d’enseignement, a sollicité la requalification de son contrat en engagement à durée indéterminée. Le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement du 9 novembre 2022, a fait partiellement droit à ces demandes en condamnant l’employeur au versement d’indemnités. Le groupement a interjeté appel de cette décision tandis que l’agent formait un appel incident pour obtenir la reconnaissance d’un statut d’agent contractuel. La juridiction devait déterminer si une structure de coopération dépourvue de personnalité morale possède la capacité d’agir en justice et d’édicter des actes administratifs. La Cour rejette la requête principale pour irrecevabilité tout en annulant la décision initiale pour incompétence, imposant ainsi un réexamen de la situation individuelle. L’analyse de cette solution impose d’étudier l’irrecevabilité liée à l’absence de personnalité juridique (I), avant d’aborder l’annulation de l’acte pour incompétence (II).
I. L’irrecevabilité découlant de l’absence de personnalité juridique du groupement
I.A. La carence de capacité d’ester en justice de l’entité dépourvue de personnalité
Le juge administratif souligne que les missions de formation professionnelle sont exercées par des établissements s’associant dans des groupements dépourvus de toute personnalité morale. En l’espèce, l’entité requérante ne dispose d’aucune existence juridique autonome lui permettant de contester valablement une décision devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux. La Cour précise que ce groupement « n’a pas de personnalité juridique et est dépourvu de qualité pour agir en justice » nonobstant sa participation antérieure à l’instance. Cette solution consacre une application rigoureuse des règles de procédure contentieuse aux structures de coopération ne constituant pas des personnes morales de droit public. L’irrecevabilité de la requête ne fait cependant pas obstacle à la poursuite du litige par l’entremise de l’établissement support responsable du groupement.
I.B. La recevabilité de l’intervention volontaire de l’établissement public support
L’établissement public support, bien que non présent en première instance, est admis à intervenir en appel pour préserver ses intérêts financiers et juridiques propres. Le juge considère que le jugement initial préjudicie aux droits de cet établissement qui assume seul la charge budgétaire des éventuelles condamnations pécuniaires prononcées. Il souligne que l’entité support aurait eu qualité pour former tierce-opposition et peut donc « intervenir dans la présente instance » afin de reprendre les conclusions d’appel. Cette admission permet de régulariser la procédure tout en garantissant le respect du principe du contradictoire pour la personne morale effectivement responsable du service. La régularisation de l’instance permet ainsi au juge d’examiner la validité de l’acte administratif contesté par l’agent contractuel au regard des règles de compétence.
II. L’annulation de l’acte pour incompétence de l’autorité administrative
II.A. Le monopole décisionnel du chef de l’établissement support en matière de personnel
La Cour administrative d’appel de Bordeaux relève d’office l’incompétence de la directrice du groupement pour statuer sur les demandes de requalification des personnels contractuels. Les textes prévoient que les contrats sont conclus par le chef d’établissement support avec l’accord préalable du recteur d’académie selon les modalités réglementaires. Le juge affirme que seul ce responsable peut légalement prendre des décisions en matière de gestion du personnel pour le compte du groupement d’établissements. En conséquence, la décision litigieuse est « entachée d’incompétence et doit être entièrement annulée » sans qu’il soit nécessaire pour la Cour de statuer sur le fond. Cette solution rappelle la hiérarchie organique au sein de ces structures et protège les agents contre des actes émanant d’autorités dépourvues de pouvoir légal.
II.B. L’irrecevabilité corrélative des conclusions indemnitaires dirigées contre le groupement
L’absence de personnalité juridique du groupement entraîne mécaniquement l’irrecevabilité des conclusions tendant à sa condamnation pécuniaire au profit de l’agent. La requérante ne pouvait valablement réclamer des dommages et intérêts à une entité dénuée de patrimoine propre et de capacité à être condamnée. Le juge d’appel annule la condamnation prononcée en première instance car les conclusions indemnitaires dirigées contre le groupement sont « irrecevables » par nature juridique. La responsabilité administrative ne peut être engagée que devant l’établissement support, qui demeure l’employeur réel et le seul débiteur des sommes dues. Le présent arrêt oblige l’administration à réexaminer la situation individuelle de l’intéressé sous l’autorité du chef d’établissement désormais reconnu comme seul compétent.