Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 26 septembre 2025, n°23BX02345

Par un arrêt rendu le 26 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux précise le régime du cumul entre mandat électif et congé pour invalidité temporaire imputable au service.

Un fonctionnaire territorial, placé en congé pour invalidité, s’est vu refuser le maintien de son traitement à la suite de son élection aux fonctions de maire d’une commune.

Le président d’une collectivité régionale a suspendu sa rémunération en considérant que l’exercice de fonctions municipales constituait une activité rémunérée prohibée par le statut de la fonction publique.

Le tribunal administratif territorialement compétent ayant rejeté les conclusions de l’agent, ce dernier a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de cette décision de suspension de traitement.

Le litige porte sur la question de savoir si les indemnités de fonction perçues par les élus locaux sont assimilables à une rémunération professionnelle durant un arrêt de travail.

Les juges d’appel retiennent que la nature spécifique du mandat électif interdit une telle assimilation et invalident ainsi le raisonnement juridique tenu par l’autorité administrative contre le requérant.

I. La distinction entre le mandat électif et l’activité professionnelle rémunérée

A. Le principe de gratuité des fonctions locales

En vertu du code général des collectivités territoriales, « les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites », sans préjudice du versement d’indemnités de fonction.

La cour rappelle ce principe fondamental pour exclure toute assimilation du mandat politique à une activité professionnelle classiquement soumise aux règles de la rémunération directe du travail fourni.

L’exercice des responsabilités publiques au sein d’une municipalité ne saurait donc être confondu avec l’exécution d’un contrat de travail ou d’une mission de service public classiquement rémunérée.

Ainsi, la qualité d’élu local se distingue par son origine démocratique et par l’absence de lien de subordination financière avec la collectivité qui assure le versement des sommes.

B. La nature compensatoire des indemnités de fonction

Le juge précise que, bien que le maire perçoive une somme fixe, « cette indemnité ne rémunère pas une activité » au sens strict du terme juridique employé par l’administration.

Elle est en réalité « versée en compensation de l’exercice de fonctions électives », ce qui modifie radicalement sa qualification au regard des règles générales du droit de la fonction publique.

Toutefois, cette distinction permet de maintenir le caractère bénévole de l’engagement politique tout en assurant une compensation financière légitime pour les frais et le temps consacrés au mandat.

La cour écarte ainsi la qualification de salaire pour privilégier une vision statutaire liée à la protection des conditions d’exercice du mandat souverain du citoyen régulièrement élu par ses pairs.

II. L’absence de méconnaissance des obligations liées au congé pour invalidité

A. L’inapplicabilité de l’interdiction de cumul au mandat politique

Le décret de 1987 impose au bénéficiaire d’un congé pour invalidité temporaire de cesser toute activité rémunérée sous peine d’interruption immédiate du versement de son traitement par l’employeur public.

En l’espèce, les fonctions de maire ne peuvent pas être regardées comme de telles activités compte tenu de la gratuité légale posée par le législateur pour les élus locaux territoriaux.

En effet, l’interdiction de cumul vise à prévenir les abus liés à l’exercice d’une profession parallèle durant une période d’incapacité de travail dûment constatée par un médecin agréé.

La perception d’indemnités électives ne traduit pas une capacité de travail recouvrée mais seulement l’exercice d’un droit civique protégé par les textes constitutionnels et législatifs républicains en vigueur.

B. La sanction de l’erreur de droit commise par l’autorité administrative

La cour conclut qu’en interrompant le traitement de l’agent, le président de la collectivité a « entaché sa décision d’une erreur de droit » particulièrement manifeste au regard des principes applicables.

Enfin, l’annulation de la décision de suspension entraîne par voie de conséquence l’annulation du titre de recettes émis pour recouvrer les sommes qui étaient indûment réclamées par l’administration régionale.

L’autorité territoriale est donc condamnée à régulariser la situation financière de l’agent et à reconstituer l’intégralité de ses droits sociaux ainsi que de ses droits à pension de retraite.

Cet arrêt renforce la protection des élus locaux en garantissant le maintien de leurs droits statutaires de fonctionnaire malgré l’exercice nécessaire de leurs responsabilités politiques au service de la cité.

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Hassan KOHEN
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