La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 27 juin 2025, un arrêt relatif à la recevabilité du recours contre un refus d’enregistrer une demande de séjour.
Un ressortissant étranger sollicite le renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur temporaire auprès de l’autorité préfectorale. L’administration l’informe par courriel du classement sans suite de sa demande au motif que son dossier demeure incomplet. L’intéressé forme alors un recours gracieux, sollicitant un changement de statut, sur lequel l’autorité administrative garde le silence pendant plus de deux mois. Le tribunal administratif de Bordeaux rejette ses demandes d’annulation par un jugement rendu le 17 octobre 2024.
La question posée porte sur la nature juridique de l’acte constatant l’incomplétude d’un dossier et sur la naissance d’une décision implicite en cas de dépôt irrégulier.
La juridiction d’appel confirme l’irrecevabilité du recours dirigé contre l’acte de classement. Elle juge également que le silence administratif ne fait pas naître de décision attaquable faute de comparution personnelle du demandeur. L’étude portera sur l’irrecevabilité du recours contre le classement pour dossier incomplet (I) puis sur l’inexistence d’une décision attaquable née d’une demande irrégulière (II).
**I. L’irrecevabilité du recours contre le classement pour dossier incomplet**
L’arrêt précise le régime contentieux des actes constatant l’incomplétude matérielle des demandes de titres de séjour déposées par les ressortissants étrangers.
**A. Le caractère non décisoire du constat d’incomplétude matérielle**
Les juges rappellent que le refus d’enregistrer une demande pour dossier incomplet « ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ». Cette solution s’applique lorsque l’absence d’une pièce réglementaire rend « impossible l’instruction de la demande ».
La cour administrative d’appel de Bordeaux confirme ici une jurisprudence établie sur la nature purement informative de tels actes. Le juge vérifie seulement si le dossier était effectivement incomplet au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’acte de classement ne modifie pas l’ordonnancement juridique et ne peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
**B. L’exigence stricte des pièces justificatives de l’activité professionnelle**
Le requérant soutenait que la production de dix-sept bulletins de salaire palliait l’absence de contrat de travail au sein de son dossier. La cour écarte cet argument car les bulletins de salaire « ne pouvaient utilement remplacer l’absence d’un document de nature à établir l’exercice d’une activité professionnelle ».
Le droit positif exige la preuve d’une activité actuelle ou future pour le renouvellement du titre de travailleur temporaire. L’absence de contrat de travail ou d’autorisation d’activité rendait donc l’instruction de la demande impossible par le service instructeur. Le constat d’incomplétude était ainsi fondé et ne présentait aucun caractère décisionnel.
**II. L’inexistence d’une décision attaquable suite à une demande irrégulière**
La cour administrative d’appel se prononce ensuite sur les conséquences juridiques du silence gardé par l’autorité préfectorale sur un recours administratif.
**A. L’absence de décision implicite née d’un dépôt par voie postale**
Le demandeur invoquait une décision implicite de rejet née du silence sur son recours gracieux. Ce recours contenait pourtant une nouvelle demande de titre de séjour déposée par simple voie postale. Le juge d’appel relève que cette demande « n’a pas fait naitre une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ».
Le silence de l’administration sur une demande irrégulière n’équivaut pas à une décision de refus susceptible d’être annulée par le juge administratif. Cette règle protège l’administration contre les saisines ne respectant pas les formes impératives prescrites par le code. En l’absence de décision faisant grief, les conclusions tendant à l’annulation sont nécessairement irrecevables.
**B. La confirmation de la règle de comparution personnelle obligatoire**
Le code impose la comparution personnelle en préfecture pour le dépôt de la plupart des titres de séjour. En l’espèce, le requérant « ne démontre pas qu’il s’est présenté personnellement pour faire enregistrer cette demande » déposée lors du recours gracieux.
Cette exigence constitue une condition de régularité dont la méconnaissance justifie légalement le refus de l’administration d’instruire le dossier de séjour. La cour administrative d’appel de Bordeaux maintient ainsi une application rigoureuse des conditions de dépôt des demandes. Le rejet des conclusions à fin d’annulation entraîne logiquement le rejet des conclusions à fin d’injonction.