Par un arrêt rendu le 3 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a précisé les conditions de protection d’un citoyen européen. La question juridique centrale porte sur l’acquisition du droit au séjour permanent et son incidence sur la légalité d’une mesure d’éloignement administratif.
Un ressortissant portugais résidant en France depuis l’année 2015 a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire national sans aucun délai. Cette mesure s’accompagnait d’une interdiction de circulation pour une durée de deux ans et d’une assignation à résidence pour quarante-cinq jours. Pourtant, l’intéressé justifiait d’une présence stable et de l’exercice régulier de plusieurs activités professionnelles sous forme de contrats de travail en intérim.
Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d’annulation des arrêtés préfectoraux par un premier jugement rendu le 9 octobre 2024. Le requérant a interjeté appel de cette décision en soutenant que sa situation de résident permanent interdisait légalement toute mesure de renvoi forcé. Il invoquait notamment la méconnaissance des dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour des étrangers relatives aux citoyens de l’Union européenne.
Le litige invite à déterminer si la durée de résidence légale paralyse le pouvoir du préfet d’éloigner un étranger menaçant l’ordre public. Ainsi, la cour a annulé les actes contestés en constatant que le droit au séjour permanent était acquis bien avant l’intervention de l’autorité préfectorale. L’étude de cet arrêt suppose d’examiner la reconnaissance du droit au séjour permanent avant d’étudier le régime d’immunité absolue contre les mesures d’éloignement.
# I. L’affermissement du droit au séjour par la stabilité de la résidence
A. La caractérisation d’une résidence légale et ininterrompue
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers prévoit que les citoyens de l’Union acquièrent un droit permanent après cinq années de présence. En l’espèce, la preuve de cette situation repose sur la production de documents attestant de l’exercice effectif d’une activité professionnelle sur le territoire national. Le requérant a fourni des bulletins de salaire et des certificats de travail démontrant son activité régulière de maçon depuis janvier 2015. La juridiction a estimé que ces éléments justifiaient « d’une résidence légale et ininterrompue en France pendant cinq ans » avant l’intervention de la mesure.
B. La reconnaissance automatique d’un droit au séjour permanent
L’acquisition du droit au séjour permanent ne dépend pas d’une formalité administrative préalable mais résulte de la seule réunion des conditions légales. Dès lors, les citoyens européens exerçant une activité professionnelle satisfont aux exigences du code sans avoir à démontrer l’existence de ressources financières supplémentaires. L’arrêt souligne que le droit au séjour permanent est acquis dès lors que l’étranger a résidé de manière stable pendant la période quinquennale. Cette protection confère un statut juridique renforcé au ressortissant étranger face aux décisions unilatérales prises par le représentant de l’État. Ce privilège de résidence limite alors le pouvoir de police administrative en interdisant toute mesure d’éloignement motivée par la protection de l’ordre public.
# II. L’inefficacité des mesures d’éloignement face au statut de résident permanent
A. L’interdiction légale d’obliger au départ un citoyen protégé
L’article L. 251-2 du code interdit expressément l’adoption d’une obligation de quitter le territoire envers les titulaires d’un droit au séjour permanent. Cependant, cette interdiction prévaut « alors même que sa présence serait susceptible de constituer une menace pour l’ordre public » selon les termes de la décision. Le juge affirme ainsi que l’intéressé « ne pouvait, par suite, faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français » en raison de son statut. Le raisonnement préfectoral fondé sur le comportement de l’étranger devient juridiquement inopérant une fois que la durée de résidence est légalement établie.
B. La caducité par voie de conséquence des décisions de contrainte
L’illégalité de la mesure principale d’éloignement entraîne nécessairement l’annulation des décisions accessoires qui ont été prises pour en assurer l’exécution forcée. Aussi, l’interdiction de circulation et l’assignation à résidence perdent leur fondement juridique dès lors que l’obligation de quitter le territoire est elle-même annulée. La cour censure donc le jugement de première instance pour avoir méconnu la portée des dispositions protectrices applicables aux citoyens de l’Union. L’État se voit condamné à verser une somme indemnitaire au titre des frais de justice exposés par le requérant durant la procédure contentieuse.