Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 30 janvier 2025, n°22BX00969

La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 30 janvier 2025, un arrêt relatif aux garanties procédurales et à la responsabilité de la puissance publique. Un auditeur de justice contestait le refus implicite de protection fonctionnelle opposé par l’autorité administrative dont il dépendait professionnellement. Le tribunal administratif de Bordeaux avait annulé ce refus le 2 février 2022 mais rejeté les demandes de dommages et intérêts du requérant. Ce dernier a saisi la juridiction d’appel pour obtenir l’exécution forcée du jugement et la rectification d’une erreur matérielle sur les frais. Il invoquait également l’irrégularité de la procédure de première instance en raison du silence gardé par le rapporteur public sur ses conclusions. La question posée aux juges d’appel concernait l’étendue de l’obligation d’information préalable incombant au rapporteur public sur le sens de ses conclusions. La cour administrative d’appel annule le jugement sur ce point procédural tout en écartant, par la voie de l’évocation, toute indemnisation. L’examen portera d’abord sur la régularité de la procédure avant d’analyser le bien-fondé de l’action en responsabilité pour faute.

I. La protection de la régularité procédurale et la rectification des erreurs matérielles

A. L’exigence de transparence du rapporteur public sur l’ensemble des conclusions

L’article R. 711-3 du code de justice administrative impose que les parties soient mises en mesure de connaître le sens des conclusions avant l’audience. Cette obligation vise à garantir le respect du principe du contradictoire et le droit à un procès équitable pour chaque justiciable. En l’espèce, le rapporteur public avait omis d’indiquer ses intentions concernant la demande indemnitaire formulée par le requérant au titre de la défense abusive. La cour administrative d’appel de Bordeaux souligne que cette demande « ne revêtait pas un caractère accessoire » dans l’économie générale du litige. L’absence d’indication sur ce point précis entache ainsi la décision de première instance d’un vice de forme substantiel exigeant son annulation partielle. Les juges rappellent que le rapporteur doit préciser les raisons de fond ou de recevabilité guidant sa proposition de rejet ou d’annulation.

B. La correction souveraine des erreurs matérielles et le constat de l’exécution du jugement

Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2022 comportait une inversion de chiffres manifeste entre ses motifs et son dispositif. Si les motifs prévoyaient le versement d’une somme de 285,60 euros, l’article 3 mentionnait par erreur le montant réduit de 258,60 euros. La juridiction d’appel exerce ici son pouvoir de réformation pour rétablir la cohérence de la décision juridictionnelle conformément aux pièces du dossier. Elle constate par ailleurs que l’administration a fini par accorder la protection fonctionnelle sollicitée durant le cours de l’instance d’appel. Puisque le jugement a été « parfaitement exécuté » par une décision administrative intervenue postérieurement, les conclusions aux fins d’astreinte sont devenues sans objet. Après avoir rectifié les erreurs de procédure, il convient d’aborder l’examen au fond des prétentions indemnitaires soulevées par le requérant.

II. Le cadre restreint de la responsabilité pour faute pour défense abusive

A. L’absence de manœuvre dilatoire caractérisée de la part de l’autorité publique

Le requérant soutenait que l’administration avait commis une faute en multipliant les retards et en exigeant des documents prétendument illisibles durant l’instruction. Il reprochait également à son autorité de tutelle d’avoir conclu au rejet de sa demande initiale malgré l’illégalité manifeste de la décision. La cour administrative d’appel de Bordeaux considère toutefois que ces circonstances ne permettent pas d’établir l’existence d’une « défense abusive » fautive. Le simple retard dans la production des observations ou la contestation du bien-fondé d’une requête relèvent de l’exercice normal des droits de la défense. L’administration dispose d’une liberté d’appréciation pour organiser sa défense devant les juridictions sans que cela ne constitue systématiquement une intention de nuire.

B. La confirmation de la neutralité du comportement de l’administration dans le procès

La responsabilité de la puissance publique ne peut être engagée que si le comportement de l’administration présente un caractère manifestement malveillant ou injustifié. La cour estime que les éléments produits ne démontrent aucune faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité en l’espèce. Les juges rejettent par conséquent les conclusions tendant à l’octroi d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette solution préserve l’équilibre entre la protection des droits des agents et la nécessaire liberté d’action juridique des services publics. Elle confirme enfin qu’une erreur de droit initiale ne suffit pas à caractériser un abus dans la conduite ultérieure de la procédure contentieuse. Le droit d’agir en défense demeure un principe fondamental qui ne saurait être limité par la seule perspective d’une annulation juridictionnelle.

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Hassan KOHEN
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