Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 30 septembre 2025, n°24BX02849

La cour administrative d’appel de Bordeaux, par une décision rendue le 30 septembre 2025, rejette le recours formé contre le refus préfectoral d’autorisation environnementale d’un parc photovoltaïque. Ce litige porte sur l’application des dérogations aux interdictions de destruction d’espèces protégées, encadrées par les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Un opérateur projetait l’installation d’une centrale solaire au sol sur le territoire d’une commune des Landes, en zone forestière riche en biodiversité animale et végétale. L’autorité préfectorale a opposé un refus au motif que le pétitionnaire ne justifiait ni de l’absence de solution alternative, ni du maintien du bon état de conservation. Le tribunal administratif de Pau ayant confirmé cette position le 2 octobre 2024, la société requérante a sollicité l’annulation du jugement et des arrêtés de rejet devant la cour. La juridiction d’appel doit déterminer si les recherches de sites alternatifs étaient suffisantes et si les mesures d’évitement garantissaient l’absence d’atteinte caractérisée aux populations locales. Les juges confirment la légalité du refus en relevant les lacunes de l’étude d’impact et l’insuffisance manifeste des mesures de compensation prévues pour les espèces menacées.

I. L’exigence d’une recherche approfondie de solutions alternatives

A. Une délimitation géographique jugée trop restrictive

La cour administrative d’appel de Bordeaux valide l’analyse préfectorale en soulignant que le dossier de demande ne démontrait pas l’exploration sérieuse d’autres sites d’implantation potentiels. L’arrêt relève que la recherche des solutions alternatives a été « conduite par le porteur de projet à l’échelle intercommunale dans un rayon d’environ seulement 5 Km ». Ce périmètre géographique est considéré comme un « référentiel insuffisant » au regard de la nature du projet et des enjeux environnementaux identifiés sur le territoire. La juridiction suit ici l’avis du Conseil national de protection de la nature qui regrettait une analyse du moindre impact menée à une échelle inappropriée. Le choix de l’emplacement semble avoir été dicté par des opportunités foncières locales plutôt que par une véritable stratégie d’évitement des zones de forte sensibilité. L’administration estime que l’opérateur ne peut se borner à étudier les terrains communaux disponibles sans envisager d’autres options techniques ou géographiques plus respectueuses des écosystèmes.

B. La nécessité d’une analyse comparative fondée sur l’écologie

La solution retenue par le juge administratif impose au pétitionnaire de fournir une étude comparative robuste intégrant prioritairement des critères environnementaux pour chaque site envisagé. L’arrêt précise que la société a « conduit ses recherches en minimisant le critère écologique » au profit de considérations liées à l’obtention préalable de permis de construire. Bien que plusieurs aires d’implantation aient été listées, la requérante n’a pas suffisamment décrit les caractéristiques faunistiques des sites alternatifs pour permettre une comparaison utile. La cour souligne qu’en « l’absence d’une étude comparative fondée sur un critère environnemental », les efforts fournis pour rechercher une autre solution satisfaisante demeurent juridiquement insuffisants. Cette exigence de transparence oblige les développeurs à démontrer que le site retenu est celui qui porte l’atteinte la plus faible à la biodiversité protégée. Le juge refuse ainsi de valider un choix d’implantation fondé sur la seule commodité administrative ou économique du terrain sans justification écologique rigoureuse.

II. L’impossibilité de garantir le maintien de l’état de conservation

A. La reconnaissance de liens fonctionnels avec les espaces protégés voisins

La cour administrative d’appel de Bordeaux examine ensuite l’impact du projet sur les populations animales en tenant compte de la proximité immédiate d’une réserve naturelle nationale. Le site d’implantation se situe dans un secteur à très forts enjeux de conservation, en lien fonctionnel écologique étroit avec une zone d’hivernage majeure. Les juges reprochent à la société d’avoir ignoré dans ses inventaires l’avifaune migratrice hivernante, notamment la grue cendrée, dont la présence est avérée dans les environs. L’arrêt souligne que l’opérateur « minore les effets de son projet sur l’état de conservation des grues cendrées » malgré une proximité géographique et fonctionnelle indéniable. La juridiction rappelle que la protection des espèces impose d’évaluer le risque dès lors que des spécimens sont présents ou susceptibles de fréquenter la zone. L’absence de contact direct lors des inventaires ne suffit pas à écarter le risque d’altération des aires de repos ou des sites de reproduction.

B. L’inefficacité des mesures correctives face aux enjeux de biodiversité

La décision confirme enfin que les mesures du dispositif « éviter, réduire, compenser » proposées par le pétitionnaire ne présentent pas de garanties d’effectivité suffisantes pour les espèces. La cour mentionne spécifiquement des atteintes directes aux habitats favorables à la fauvette Pitchou et au fadet des laîches, deux espèces protégées au statut de conservation quasi-menacé. La juridiction estime que les mesures de réduction et de compensation prévues sont inadaptées aux besoins réels de ces populations animales dans leur aire de répartition. L’arrêt cite l’avis des experts considérant que la compensation proposée est « plus adaptée aux besoins de l’activité sylvicole qu’à ceux de la population de l’espèce ciblée ». Les garanties apportées ne permettent pas d’assurer que la dérogation demandée ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des espèces concernées. Le juge administratif exerce ainsi un contrôle entier sur la pertinence des mesures techniques destinées à atténuer l’impact environnemental des installations industrielles.

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Hassan KOHEN
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