La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 30 septembre 2025, un arrêt précisant les conditions d’octroi du titre de séjour pour raison de santé. Un ressortissant étranger, atteint de la maladie de Parkinson, contestait le refus de séjour opposé par l’administration malgré la gravité de sa pathologie neurologique. Le tribunal administratif de Pau avait rejeté sa demande le 7 février 2025 en se fondant sur l’offre de soins disponible dans le pays d’origine. Le requérant soutient que le premier juge a méconnu les règles de preuve et ignoré l’impossibilité de bénéficier d’un traitement effectif et accessible. La question posée à la cour concerne la répartition de la charge de la preuve lorsque l’autorité administrative dispose d’un avis médical défavorable au séjour. Les juges d’appel rejettent la requête en estimant que l’intéressé n’apporte pas d’éléments suffisants pour contester la disponibilité réelle des soins dans son pays. L’étude de cette décision permet d’analyser l’établissement d’une présomption de disponibilité avant d’examiner la rigueur du contrôle exercé sur l’accessibilité concrète des traitements.
I. L’établissement d’une présomption de disponibilité par l’avis médical
A. La force probante de l’expertise du collège de médecins
Le juge administratif s’appuie sur l’avis médical pour apprécier la légalité du refus de séjour opposé au ressortissant étranger par l’autorité préfectorale. Selon cette expertise, l’état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des « conséquences d’une exceptionnelle gravité » pour l’intéressé. L’instance médicale estime toutefois qu’il « peut y bénéficier effectivement d’un traitement approprié » au regard des caractéristiques du système de santé dans son pays d’origine. La cour souligne que cet avis fait présumer l’existence d’un traitement disponible conformément aux règles relatives au contentieux des étrangers malades résidant en France. Cette expertise constitue un élément de fait déterminant que l’administration doit obligatoirement solliciter avant de statuer sur la demande de titre de séjour. Le juge rappelle que la décision administrative est prise après consultation d’un collège de médecins spécialisés dans l’évaluation de l’offre de soins mondiale.
B. Le transfert de la charge de la preuve vers le demandeur
L’existence d’un avis favorable à l’administration modifie la répartition habituelle du fardeau probatoire entre les parties au litige relatif au droit au séjour. La cour considère que l’administration apporte alors des « éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence » d’un traitement dans le pays de renvoi. Le tribunal administratif de Pau a conduit un « raisonnement dialectique » en exigeant que le requérant apporte des pièces permettant de remettre en cause cette expertise médicale. Cette solution repose sur le principe que chaque partie doit étayer ses prétentions par des documents précis dont elle seule peut avoir la possession. L’intéressé doit ainsi démontrer l’absence de traitement disponible dans son pays d’origine par des certificats médicaux ou des rapports probants sur l’offre locale. Cette organisation de la charge de la preuve impose un examen minutieux des éléments concrets relatifs à l’accès réel aux soins dans le pays d’accueil.
II. La confrontation concrète aux réalités du système de santé étranger
A. Le rejet des griefs tenant aux modalités techniques des soins
Le contrôle de la cour s’exerce sur la réalité de l’offre de soins sans exiger une équivalence parfaite entre les systèmes de santé nationaux respectifs. La juridiction précise qu’il convient de s’assurer de l’existence d’un traitement approprié « et non de rechercher si les soins sont équivalents à ceux offerts en France ». Le requérant invoquait l’inadaptation du format médicamenteux des produits disponibles au Maroc par rapport à la posologie précise prescrite par ses neurologues traitants. La cour écarte ce grief en soulignant que l’intéressé n’apporte aucun élément permettant de considérer que ce « format médicamenteux ne peut pas s’adapter » au traitement. Les juges rappellent que le droit au séjour ne garantit pas un accès aux soins identiques à ceux proposés sur le territoire de la République. L’analyse se concentre sur la possibilité de recevoir une médication efficace indépendamment des modalités purement techniques ou logistiques de la délivrance des produits pharmaceutiques.
B. L’exigence d’une preuve certaine de l’inaccessibilité financière des soins
L’accessibilité effective du traitement suppose également que le patient puisse supporter la charge financière induite par son état de santé dans son pays de renvoi. Le requérant faisait valoir un coût mensuel des soins équivalent à un tiers du salaire moyen et l’absence totale de protection sociale pour les inactifs. Les magistrats bordelais rejettent ces allégations en relevant que certains médicaments prescrits figurent sur la liste des produits remboursables dans le système de santé local. L’intéressé n’établit pas l’impossibilité de son affiliation à un régime de couverture maladie ni l’absence de remboursement pour des « médicaments équivalents » à ceux utilisés. La cour maintient une exigence probatoire élevée en demandant une démonstration certaine du caractère prohibitif du coût des soins pour la situation personnelle du demandeur. Le refus de séjour est ainsi confirmé car le défaut de prise en charge n’apparaît pas comme une conséquence inéluctable du retour à l’étranger.