Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 30 septembre 2025, n°25BX00612

La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 30 septembre 2025, un arrêt relatif à la légalité d’un refus de titre de séjour. Un ressortissant algérien contestait un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée d’un an. L’intéressé résidait en France depuis quatre ans, y gérait une entreprise hôtelière et ses deux enfants étaient scolarisés dans une école primaire locale. Le tribunal administratif de Pau avait, le 4 février 2025, annulé cet arrêté en estimant que la mesure portait une atteinte disproportionnée à sa vie privée. L’autorité administrative a relevé appel de ce jugement en soutenant que l’appréciation des premiers juges reposait sur des faits matériellement inexacts ou non établis. La question posée est de savoir si l’éloignement d’un étranger entrepreneur, dont la famille réside partiellement en France, méconnaît les stipulations conventionnelles protectrices. La juridiction administrative infirme le jugement de première instance en considérant que la cellule familiale peut se reconstituer sans difficulté majeure au pays d’origine. L’étude de la décision conduit à analyser la rigueur de l’appréciation du droit à la vie privée avant d’examiner le régime exclusif de l’accord franco-algérien.

I. La rigueur de l’appréciation du droit à la vie privée et familiale

A. Une insertion professionnelle et familiale insuffisante face à la précarité du séjour

Le juge administratif rappelle que l’autorité administrative doit apprécier si le refus de séjour porte une « atteinte disproportionnée » au respect de la vie privée. L’arrêté litigieux mentionne les attaches familiales, mais la cour souligne que le requérant « se maintient irrégulièrement en France » depuis la fin de ses autorisations. Bien que l’intéressé justifie de revenus croissants et d’une co-gérance de société, ces éléments ne révèlent pas manifestement « une insertion durable » sur le territoire. Le caractère déficitaire de l’entreprise et la résidence géographique distincte des membres de la famille atténuent la force des liens personnels invoqués par le demandeur. Cette insertion précaire sur le territoire national fragilise l’argumentation du requérant et permet d’envisager un retour possible dans son pays d’origine.

B. L’absence d’obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au pays d’origine

La juridiction d’appel estime que « rien ne s’oppose à la reconstitution de la cellule familiale » dans le pays dont l’intéressé possède la nationalité. L’intérêt supérieur des enfants n’est pas méconnu puisque ces derniers ne se heurteront à « aucune difficulté majeure » pour poursuivre leur scolarité à l’étranger. La cour rejette l’argument du déracinement brutal, estimant que le jeune âge des enfants permet une adaptation aisée dans le système éducatif de l’Algérie. La présence de la famille de l’épouse dans le pays de destination constitue un facteur déterminant pour valider la décision de l’administration préfectorale. Au-delà de l’examen de la vie privée, le litige porte sur l’articulation entre le droit commun des étrangers et les stipulations conventionnelles bilatérales.

II. Le régime exclusif de l’accord franco-algérien et l’exercice du pouvoir discrétionnaire

A. L’inopérance des dispositions du droit commun relatives à l’admission exceptionnelle

Les juges bordelais confirment que l’accord franco-algérien régit « d’une manière complète » les conditions de séjour des ressortissants de cet État sur le territoire national. Par conséquent, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de « l’article L. 435-1 » du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Cette solution réaffirme la primauté du droit conventionnel bilatéral sur le droit commun, excluant ainsi les modalités classiques de l’admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, le représentant de l’État conserve un pouvoir discrétionnaire pour régulariser une situation, mais son refus n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. L’exclusion des dispositions du code de l’entrée et du séjour laisse place à l’analyse de la légalité des mesures d’éloignement et de leurs conséquences.

B. La validation de la mesure d’éloignement et de l’interdiction de retour

La cour d’appel valide l’obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l’illégalité du refus de séjour étant préalablement écarté par les juges. L’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an est jugée légale au regard de la durée du séjour irrégulier constaté. L’autorité administrative a légalement tenu compte de la « circonstance qu’il a déjà fait l’objet » d’une précédente mesure d’éloignement restée sans exécution de sa part. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux rétablit ainsi la pleine efficacité de l’arrêté préfectoral, annulant le jugement protecteur rendu en première instance.

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Hassan KOHEN
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