Par un arrêt rendu le 5 juin 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur la légalité d’une mesure d’assignation à résidence. Un ressortissant guinéen contestait l’arrêté préfectoral l’obligeant à demeurer dans une commune déterminée en vue de son éloignement futur. Le tribunal administratif de Poitiers avait initialement rejeté sa demande par un jugement du 16 décembre 2024. L’intéressé soutenait que l’obtention du statut de réfugié par sa fille interdisait désormais toute mesure d’exécution forcée vers son pays d’origine. La juridiction d’appel devait déterminer si une décision administrative postérieure pouvait invalider rétroactivement les conditions de fond d’une assignation à résidence. Les magistrats bordelais annulent la décision au motif que l’éloignement ne constituait plus une perspective raisonnable au jour de l’arrêté contesté.
I. L’appréciation de la légalité de l’acte au regard de faits révélés postérieurement
A. La prise en compte d’une décision administrative ultérieure
La cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que le juge de l’excès de pouvoir se place normalement à la date de l’acte. Toutefois, elle précise que la reconnaissance du statut de réfugié de l’enfant, intervenue en décembre 2024, éclaire la situation de novembre 2024. Les juges affirment que « bien que postérieure à l’arrêté contesté, cette décision doit être prise en compte pour apprécier la légalité de l’arrêté en litige ». Cette solution repose sur l’idée que l’acte de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides révèle des risques préexistants. La protection accordée à la jeune enfant atteste d’un danger d’excision qui interdisait déjà son retour forcé au pays d’origine. Cette méthode permet au juge administratif de sanctionner une erreur de fait commise par l’autorité préfectorale lors de l’édiction de la mesure.
B. Le contrôle des conditions de fond de l’assignation à résidence
L’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile conditionne l’assignation à l’existence d’une perspective d’éloignement. La juridiction administrative vérifie si l’administration peut raisonnablement espérer exécuter la mesure d’obligation de quitter le territoire français dans un délai proche. L’autorité administrative peut assigner l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire « mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable ». La cour constate ici que la situation familiale du requérant faisait obstacle à tout départ forcé vers la Guinée. L’impossibilité de renvoyer l’enfant entraîne par extension l’impossibilité de renvoyer le père en raison de l’unité de la cellule familiale. L’acte administratif perd ainsi sa base légale puisque la finalité de la contrainte ne peut plus être atteinte juridiquement.
II. L’annulation de la mesure de contrainte pour défaut de perspective raisonnable d’éloignement
A. L’obstacle juridique résultant du statut de réfugié de l’enfant
La décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux souligne l’importance primordiale de la protection internationale accordée aux membres de la famille. Le statut de réfugié de la fille du requérant crée un empêchement absolu au renvoi de l’ensemble de la famille vers le pays d’origine. Les juges soulignent que « compte tenu de l’impossibilité pour la fille de retourner dans son pays d’origine, il n’existait aucune perspective raisonnable d’exécution ». Cette analyse s’inscrit dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par les conventions internationales régulièrement ratifiées par la France. La présence d’un enfant réfugié sur le territoire national impose à l’administration de suspendre ses velléités d’éloignement à l’encontre des parents. Cette protection fonctionnelle s’oppose à toute mesure restrictive de liberté dont le seul but est de préparer un départ désormais illégal.
B. La sanction nécessaire de l’erreur d’appréciation préfectorale
L’annulation de l’arrêté par la cour administrative d’appel de Bordeaux entraîne la disparition rétroactive de l’obligation de présentation quotidienne aux services de police. La juridiction estime que l’administration a commis une erreur manifeste en maintenant une mesure de surveillance alors que l’éloignement était devenu impossible. « Il suit de là que l’arrêté par lequel l’autorité préfectorale a assigné l’intéressé à résidence doit être annulé » sans examen des autres moyens. Cette décision de justice rétablit la liberté d’aller et venir du ressortissant guinéen dans l’attente de la régularisation de sa situation administrative. L’administration devra désormais tenir compte de ce nouveau contexte familial pour l’instruction de la demande de titre de séjour déposée par le requérant. L’arrêt confirme ainsi que la contrainte administrative doit toujours rester proportionnée aux chances réelles d’exécution de la mesure d’éloignement sous-jacente.