La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 6 février 2025, une décision relative à la contestation de dénominations de l’espace public communal.
Une association dont l’objet porte sur la mémoire coloniale a demandé à une autorité municipale d’abroger des délibérations anciennes désignant un quartier.
Le maire a rejeté cette demande le 9 novembre 2020, maintenant l’usage d’un terme historique jugé offensant par le groupement à vocation nationale.
Saisi de ce refus, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête tendant à l’annulation de la décision par un jugement du 21 décembre 2023.
L’association requérante a alors interjeté appel devant la juridiction de second degré afin d’obtenir l’annulation de la décision administrative et du jugement attaqué.
Les juges d’appel devaient déterminer si une association nationale possède un intérêt à agir contre une mesure locale touchant à la sauvegarde de la dignité.
La cour devait également apprécier si l’usage d’un terme historique à connotation raciale peut légalement justifier le maintien d’une dénomination de voie publique.
La juridiction administrative répond par l’affirmative en annulant le refus municipal, considérant que le terme litigieux porte atteinte au principe de dignité humaine.
L’analyse de cette solution impose d’étudier la recevabilité de l’action collective avant d’examiner le contrôle exercé sur le choix des noms de lieux communaux.
I. La recevabilité de la requête au regard de la portée des libertés publiques
La cour écarte d’abord la fin de non-recevoir opposée par la commune en reconnaissant la qualité pour agir de l’association nationale dans ce contexte.
A. La reconnaissance d’un intérêt à agir dépassant le cadre territorial
Les juges rappellent que le champ d’application territorial d’une décision fait normalement obstacle à l’action d’une association agissant au niveau national.
Cependant, l’arrêt précise qu’il en va autrement lorsque la mesure soulève des questions de nature et d’objet excédant les simples circonstances locales.
L’association requérante justifie ici d’un lien suffisant entre ses statuts mémoriels et les implications de la décision municipale dans le domaine des libertés.
B. L’impact de la lutte contre le racisme sur la recevabilité contentieuse
La cour souligne que la décision municipale revêt une portée générale en raison de ses conséquences directes sur la lutte contre les discriminations raciales.
L’intérêt à agir est admis car le litige porte sur des principes constitutionnels et conventionnels dont le respect s’impose à l’ensemble du territoire national.
Cette étape procédurale franchie permet à la juridiction administrative d’aborder le fond de l’affaire concernant la légalité de la dénomination du quartier concerné.
II. L’illégalité d’une dénomination publique attentatoire à la dignité humaine
L’arrêt sanctionne l’erreur d’appréciation commise par l’autorité municipale en refusant d’abroger des noms de lieux portant atteinte à un principe fondamental du droit.
A. La caractérisation du caractère offensant du terme employé
La commune invoquait une dimension historique pour justifier le maintien de l’appellation attribuée initialement au dix-neuvième siècle par des soldats du Premier Empire.
La cour relève pourtant que le terme litigieux « évoque en des termes dévalorisants l’origine raciale d’une femme » de façon constante à la date actuelle.
L’appellation est ainsi jugée « de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine » en raison de sa perception offensante par la population.
B. La primauté de la dignité sur la tradition historique communale
Le conseil municipal dispose d’une compétence pour modifier les noms de lieux-dits lorsqu’un intérêt public local le justifie en vertu du code général.
Le respect de la dignité humaine constitue une composante de l’ordre public que le juge administratif doit faire prévaloir sur l’ancienneté d’un usage.
L’annulation du refus impose désormais à l’autorité municipale de saisir son assemblée délibérante pour procéder à l’abrogation effective des noms de voies litigieux.