L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 7 mai 2025 s’inscrit dans le contentieux de la protection des espèces aquatiques protégées par le droit européen. Par un arrêté du 24 novembre 2020, l’autorité préfectorale compétente avait fixé les conditions d’exercice de la pêche en eau douce dans le département pour l’année 2021. Une association a contesté cet acte devant le tribunal administratif de Pau qui, par un jugement du 5 avril 2023, a prononcé une annulation partielle de la réglementation. Saisie en appel, la juridiction administrative doit déterminer si l’omission d’une évaluation des incidences Natura 2000 entache de nullité l’ensemble d’un arrêté réglementant la pêche départementale. Le juge administratif censure l’acte en relevant que l’état de conservation critique des poissons migrateurs imposait une étude préalable malgré l’absence d’inscription sur les listes réglementaires. L’analyse du raisonnement tenu par les juges souligne d’abord l’existence d’une obligation d’évaluation environnementale impérative avant de mettre en lumière la sévérité de la sanction juridictionnelle encourue.
I. L’affirmation de l’obligation d’évaluation des incidences environnementales
A. Le champ d’application étendu de la procédure d’évaluation
Le code de l’environnement impose une évaluation pour tout projet susceptible d’affecter de manière significative un site protégé au regard de ses objectifs de conservation biologique. La Cour administrative d’appel de Bordeaux précise que cette exigence s’applique dès lors qu’un risque d’atteinte notable ne peut être exclu sur la base d’éléments scientifiques objectifs. L’absence de l’activité de pêche sur les listes nationales ou locales de référence ne dispense pas l’administration de ses obligations de vigilance envers le milieu naturel. Cette interprétation extensive des dispositions législatives assure une pleine effectivité aux objectifs de protection définis par la directive Habitats au sein des zones spéciales de conservation.
B. La reconnaissance du risque d’atteinte significative aux espèces
La juridiction motive sa décision en soulignant la situation extrêmement précaire de plusieurs poissons migrateurs migrateurs dont l’état de conservation se dégrade de façon très inquiétante. Elle relève que la lamproie marine est désormais considérée comme « en danger d’extinction » alors que la grande alose est classée en « danger critique d’extinction » sur le territoire. Le juge constate que la pression exercée par la pêche professionnelle au filet contribue directement à l’effondrement des captures constaté depuis le début de la décennie précédente. L’exploitation autorisée par l’arrêté préfectoral est donc de nature à compromettre les efforts de préservation engagés pour ces espèces vulnérables au sein du bassin versant concerné.
II. La sanction du défaut de garantie pour la biodiversité
A. Le constat de l’irrégularité substantielle de l’arrêté de police
L’omission de l’évaluation préalable des incidences constitue un vice de procédure substantiel dès lors qu’elle a privé le public d’une garantie nécessaire à la protection environnementale. Le tribunal administratif de Pau n’avait annulé que partiellement l’arrêté, mais la Cour estime que ce manquement procédural affecte la légalité de l’ensemble de la réglementation annuelle. L’autorité administrative ne pouvait légalement autoriser la pêche sans avoir préalablement mesuré l’impact réel de cette activité sur les populations protégées au titre du réseau Natura 2000. Cette méconnaissance des formalités imposées par le législateur entraîne l’annulation totale de l’acte réglementaire sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par l’association requérante.
B. Une protection juridictionnelle accrue des milieux aquatiques fragiles
Cette solution jurisprudentielle renforce considérablement le contrôle du juge administratif sur les mesures de police de la pêche en privilégiant les impératifs biologiques sur les usages économiques. Elle impose aux services de l’État une rigueur accrue dans l’élaboration des normes locales en exigeant des études scientifiques précises avant toute autorisation de prélèvement de ressources. L’arrêt confirme ainsi la primauté du principe de prévention et des objectifs de conservation européens sur la simple gestion technique des activités halieutiques traditionnelles en eau douce. Les autorités préfectorales devront désormais justifier de la compatibilité de chaque période d’ouverture de la pêche avec le maintien d’un état de conservation favorable des habitats naturels.