La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 8 avril 2025, une décision relative à la responsabilité d’un établissement public de coopération intercommunale. Le litige portait sur la demande d’indemnisation d’un agent contractuel recruté en qualité d’assistant d’enseignement artistique dont le temps de travail était annualisé.
Recruté initialement en 2010 par des contrats à durée déterminée, l’intéressé a vu son engagement transformé en contrat à durée indéterminée à compter de mars 2012. Le requérant a saisi l’administration d’une demande indemnitaire préalable en décembre 2020 afin d’obtenir réparation des préjudices résultant d’une annualisation qu’il jugeait illégale.
Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande par un jugement du 9 février 2023, ce qui a conduit l’agent à interjeter appel. Le requérant soutenait que son rattachement aux fonctions d’assistant d’enseignement artistique faisait obstacle à l’annualisation de son temps de travail sur trente-trois semaines seulement.
Il invoquait une modification substantielle de son contrat et une perte de rémunération par rapport au régime d’obligations de service prévu pour les fonctionnaires titulaires. La juridiction d’appel devait déterminer si un agent contractuel peut revendiquer l’application automatique d’un statut particulier en l’absence de mention expresse dans son contrat.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux rejette la requête en soulignant la distinction fondamentale entre les agents titulaires et les agents contractuels de la fonction publique. Les juges considèrent que le silence du contrat sur les décrets statutaires fait obstacle à l’application du régime spécifique des obligations de service des assistants artistiques.
**I. L’autonomie du régime contractuel face au statut des fonctionnaires territoriaux**
**A. L’inapplicabilité de plein droit des dispositions statutaires aux agents non titulaires**
Le juge administratif rappelle fermement le principe de distinction entre les deux catégories d’agents publics qui participent pourtant au fonctionnement d’un même service. La Cour précise que « les agents contractuels et les fonctionnaires ne se trouvant pas dans la même situation juridique au regard du service public », leur régime diffère.
Cette différence de situation justifie que l’agent contractuel ne puisse se prévaloir automatiquement des garanties ou des contraintes horaires fixées par les statuts des fonctionnaires. Le requérant ne relevait pas de plein droit du statut particulier issu du décret du 29 mars 2012 malgré l’identité des missions exercées quotidiennement.
La solution retenue écarte ainsi toute assimilation implicite qui permettrait à un agent non titulaire de revendiquer les bénéfices d’un cadre d’emplois sans disposition textuelle. L’appartenance à un corps ou à un cadre d’emplois demeure un attribut exclusif de la titularisation, protégeant ainsi la spécificité du statut législatif.
**B. La force obligatoire du contrat dans la détermination des obligations de service**
La définition des conditions de travail de l’agent repose prioritairement sur les stipulations contenues dans l’acte d’engagement signé entre la collectivité et son collaborateur. La Cour observe que le contrat « se borne à viser la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 » sans mentionner le décret relatif au statut.
L’absence de référence contractuelle précise au décret régissant les assistants territoriaux d’enseignement artistique interdit à l’agent de revendiquer le régime de travail de vingt heures. L’administration n’a pas entendu lier sa relation contractuelle aux modalités particulières de service des fonctionnaires, ce qui laisse subsister la validité des clauses initiales.
Le juge valide ainsi la liberté de la collectivité employeur dans la fixation de la quotité de travail lors de la rédaction de l’acte d’engagement initial. Cette primauté de l’écrit contractuel sécurise les relations entre les parties en limitant les risques d’une extension jurisprudentielle non souhaitée des obligations statutaires.
**II. La licéité de l’annualisation du temps de travail des assistants artistiques contractuels**
**A. L’existence d’un obstacle statutaire réservé aux seuls agents titulaires**
Le statut particulier des assistants territoriaux d’enseignement artistique impose normalement un régime d’obligations de service qui exclut théoriquement le recours à l’annualisation du travail. Ces personnels sont soumis à une durée hebdomadaire de vingt heures pour un temps plein, conformément aux dispositions réglementaires nationales applicables aux cadres d’emplois.
Le juge d’appel reconnaît que ces textes « font obstacle à ce que la collectivité territoriale qui les emploie leur applique » la réduction du temps de travail. Toutefois, cette protection contre l’annualisation est strictement réservée aux fonctionnaires nommés sur des emplois permanents et dont la carrière suit les règles statutaires.
En l’espèce, la communauté de communes a multiplié les heures hebdomadaires par trente-trois semaines pour calculer la rémunération annuelle de son agent contractuel à temps non complet. Cette méthode de calcul, bien que dérogatoire au droit commun des assistants titulaires, ne constitue pas une faute en raison du lien purement contractuel.
**B. L’absence d’erreur de droit dans le refus d’alignement des conditions de rémunération**
Le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’administration aurait commis une illégalité en refusant de lui verser des sommes calculées sur cinquante-deux semaines annuelles. La décision administrative ne comporte aucune erreur de droit puisque les services accomplis ont été rémunérés conformément aux stipulations précises du contrat de travail.
La Cour confirme l’analyse du premier juge en précisant que le regroupement des heures n’a occasionné aucun préjudice, « chaque heure effectuée lui ayant été payée ». La responsabilité de la collectivité ne saurait être engagée dès lors que les obligations contractuelles ont été scrupuleusement respectées par l’autorité territoriale.
L’arrêt souligne également l’absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué et la modification ultérieure du mode de calcul de la rémunération de l’intéressé. La juridiction d’appel verrouille ainsi la possibilité pour les contractuels d’obtenir des rappels de salaires fondés sur une comparaison avec le régime des titulaires.