La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 8 avril 2025, un arrêt relatif à la régularité d’une déclaration d’installation classée pour la protection de l’environnement. Une société a déclaré l’exploitation d’une unité de méthanisation située au sein d’une zone de protection spéciale classée Natura 2000. Par une décision du 20 février 2023, le préfet a délivré une preuve de dépôt de cette déclaration pour une capacité inférieure à trente tonnes. Des requérants ont alors saisi le tribunal administratif de Poitiers afin d’obtenir l’annulation de cet acte administratif. Les premiers juges ont rejeté leur demande par un jugement du 8 juillet 2024 dont les appelants sollicitent désormais l’annulation devant la juridiction supérieure. La question posée à la cour concerne la validité d’une preuve de dépôt de déclaration lorsque l’évaluation des incidences environnementales est lacunaire. Les juges d’appel annulent la décision préfectorale au motif que le dossier de déclaration ne présentait pas un caractère complet et régulier.
I. La validation du régime de la déclaration au regard des seuils réglementaires
A. L’application stricte du critère de tonnage journalier
La cour administrative d’appel confirme en premier lieu que le projet litigieux relevait bien du régime de la simple déclaration administrative. La nomenclature des installations classées fixe en effet un seuil de trente tonnes par jour pour distinguer le régime déclaratif de celui de l’enregistrement. En l’espèce, la juridiction relève que la quantité totale annuelle traitée correspondait à une moyenne journalière de 29,8 tonnes environ. Le juge estime que la mention de 29,8 tonnes au lieu de 29,9 tonnes est « sans incidence dès lors que la quantité traitée est inférieure à 30 tonnes par jour ». Cette approche purement arithmétique assure une sécurité juridique certaine aux exploitants souhaitant dimensionner leurs installations juste sous les seuils de contraintes supérieures.
B. L’absence d’obligation de cumul des activités pour des sites distincts
Les requérants soutenaient que l’existence d’une seconde unité de méthanisation sur la même commune imposait un changement de régime par cumul des tonnages. La cour rejette cet argument en soulignant qu’aucune disposition n’impose de « déclarer le cumul des activités exercées par le même exploitant sur deux sites distincts ». Cette solution protège l’autonomie juridique de chaque projet industriel tant qu’ils ne sont pas implantés sur des parcelles situées à proximité immédiate. La volonté de l’exploitant de diviser ses capacités de traitement entre plusieurs sites géographiques n’est donc pas sanctionnée par le juge administratif. Si la juridiction valide le choix du régime administratif, elle exerce néanmoins un contrôle rigoureux sur le contenu du dossier d’évaluation soumis.
II. L’annulation de la preuve de dépôt pour incomplétude de l’évaluation environnementale
A. Le caractère contradictoire et lacunaire de l’analyse des incidences
L’arrêt souligne que le formulaire d’évaluation des incidences Natura 2000 comportait des informations manifestement incohérentes s’agissant des espèces protégées présentes sur le site. Le juge note ainsi que « les informations figurant dans l’évaluation sont donc contradictoires s’agissant des incidences sur la Pie-Grièche Ecorcheur ». Le dossier indiquait simultanément qu’il n’existait aucun risque d’altération de l’habitat et qu’une zone de reproduction de cette espèce serait pourtant détruite. De plus, aucune information précise n’était fournie concernant l’Outarde canepetière ou les diverses espèces de busards dont la présence était pourtant formellement recensée. L’omission de données relatives à la topographie ou à l’hydrographie du site Natura 2000 renforce le constat d’une étude insuffisante.
B. L’obligation de complétude s’imposant à l’autorité préfectorale
La cour rappelle que le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt « dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet ». Cette compétence liée de l’autorité administrative suppose une vérification préalable de la présence de toutes les pièces exigées par le code de l’environnement. En l’espèce, l’évaluation produite ne pouvait être regardée comme proportionnée aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. L’absence d’analyse sérieuse des effets du projet sur l’état de conservation du site justifie l’annulation de la preuve de dépôt illégalement délivrée. La décision confirme ainsi que la protection effective de la biodiversité l’emporte sur la simple célérité de la procédure de déclaration électronique.