Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 9 avril 2025, n°24BX02495

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 9 avril 2025, un arrêt relatif au refus de séjour opposé à un ressortissant étranger. Cette décision interroge les limites de l’appréciation administrative face à un parcours d’intégration singulier marqué par une prise en charge sociale et un handicap. Un ressortissant étranger, entré mineur sur le territoire, bénéficia de l’aide sociale à l’enfance avant d’obtenir un titre de séjour temporaire à sa majorité. L’intéressé sollicita ensuite son admission exceptionnelle au séjour, mais se heurta à un refus administratif assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Bordeaux rejeta la demande d’annulation par un jugement du 24 juillet 2024 dont le requérant releva régulièrement appel. La question posée consiste à déterminer si l’autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de régulariser un travailleur handicapé inséré. La juridiction d’appel répond par l’affirmative, estimant que les circonstances de l’espèce justifient l’annulation des décisions contestées et ordonne la délivrance d’un titre.

I. La reconnaissance d’une insertion sociale et professionnelle exemplaire

A. Un ancrage territorial consolidé par l’activité professionnelle

Le juge souligne que l’intéressé démontre une volonté réelle de s’insérer, ayant été recruté en contrat à durée indéterminée en qualité d’agent d’entretien. Cette stabilité contractuelle constitue un élément déterminant pour apprécier la réalité de l’intégration économique sur le territoire national malgré les difficultés physiques rencontrées. La Cour relève que le requérant « a témoigné de sa volonté de s’insérer professionnellement et socialement », ce qui fonde la légitimité de sa demande. Cette stabilité professionnelle s’accompagne d’un engagement associatif soutenu, bien que le parcours du requérant soit marqué par des contraintes de santé majeures.

B. La prise en considération de la vulnérabilité physique du requérant

L’arrêt mentionne expressément que le requérant souffre de douleurs aggravées à l’effort suite à un accident survenu durant son enfance, entraînant une reconnaissance de handicap. L’organisme départemental compétent a reconnu sa qualité de travailleur handicapé, ce qui impose une lecture attentive de ses capacités et de ses efforts d’insertion. Le juge constate que si l’apprentissage initial fut interrompu à cause de ce handicap, l’intéressé a su rebondir vers un emploi compatible avec son état. Cette résilience face à l’adversité physique renforce singulièrement le caractère exceptionnel de la situation personnelle que l’administration aurait dû prendre en compte plus favorablement.

II. La sanction de la carence d’appréciation de l’autorité préfectorale

A. L’identification d’une erreur manifeste dans l’examen de la situation

Le juge estime que « l’arrêté attaqué doit être regardé comme entaché d’une erreur manifeste d’appréciation des conséquences qu’il comporte sur la situation personnelle ». Cette formule consacre le contrôle de la Cour sur la disproportion flagrante entre la mesure d’éloignement décidée et la réalité du parcours de vie. L’autorité semble avoir ignoré l’historique de prise en charge par les services sociaux départementaux ainsi que la durée de présence continue sur le sol. La décision souligne implicitement que le pouvoir discrétionnaire de l’administration ne saurait s’abstraire d’une analyse concrète et globale des divers éléments de vulnérabilité.

B. Une protection juridictionnelle étendue par l’injonction de régularisation

Par cette solution, la juridiction d’appel impose au représentant de l’État la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. Cette injonction directe témoigne de la volonté du juge de garantir l’effectivité de sa décision sans laisser une nouvelle marge de manœuvre indue à l’autorité. La portée de cet arrêt réside dans la valorisation des efforts d’insertion accomplis par les anciens mineurs isolés, surtout lorsqu’ils sont frappés d’un handicap. En censurant le refus de séjour, la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que l’humanité de la situation individuelle doit prévaloir sur la rigueur administrative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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