La Cour administrative d’appel de Douai, par une décision du douze février deux mille vingt-cinq, précise les modalités d’application des mesures d’interdiction de retour. Un ressortissant étranger fuyant le conflit ukrainien sollicite la protection temporaire en France mais se voit opposer un refus de séjour assorti d’un éloignement. L’autorité administrative prononce également une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an, justifiée par l’isolement du demandeur. Le tribunal administratif de Lille prononce l’annulation partielle de cet arrêté en jugeant que l’interdiction de revenir sur le sol national est disproportionnée. La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de menace à l’ordre public suffit à rendre illégale une mesure de police motivée par l’absence d’attaches. Cette décision invite à examiner l’application cumulative des critères de l’interdiction de retour (I), avant d’analyser le contrôle juridictionnel exercé sur la situation personnelle (II).
I. L’appréciation globale des critères légaux de l’interdiction de retour L’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers impose à l’administration d’évaluer la situation de l’étranger selon quatre paramètres distincts.
A. L’obligation d’un examen complet de la situation de l’étranger Les juges rappellent que « l’autorité compétente doit (…) tenir compte (…) des quatre critères qu’elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à l’un d’entre eux ». Cette exigence textuelle impose une analyse globale de la situation du requérant, incluant sa présence, ses liens, son passé administratif et l’éventuelle menace. En l’espèce, l’autorité a relevé une arrivée très récente sur le territoire français ainsi que l’absence totale de liens familiaux ou privés stables. La motivation de l’acte atteste ainsi d’une prise en compte effective de l’ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle à la date décisive.
B. L’indépendance de la mesure vis-à-vis de la menace à l’ordre public L’absence de trouble à la sécurité publique ne saurait constituer un obstacle automatique à l’édiction d’une telle mesure lorsque les autres critères sont réunis. La Cour administrative d’appel de Douai souligne que l’administration peut légalement assortir une obligation de quitter le territoire d’une interdiction de revenir au pays. Le juge administratif vérifie simplement que l’autorité n’a pas fait une application inexacte des dispositions législatives en privilégiant le critère de la faiblesse des attaches. La rigueur de cet examen administratif permet désormais d’analyser la manière dont le juge valide la pertinence souveraine de la mesure d’éloignement.
II. Le contrôle de la légalité de la mesure d’éloignement Le contentieux de l’interdiction de retour repose sur un contrôle restreint du juge, lequel s’assure de l’absence d’erreur manifeste dans l’application de la loi.
A. L’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant aux liens familiaux La juridiction d’appel infirme la position du tribunal en estimant que l’autorité administrative n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation des faits d’espèce. Elle précise que « l’autorité compétente n’a pas fait une inexacte application des quatre critères » en interdisant le retour du ressortissant pour un an. Cette solution s’explique par l’inexistence d’attaches particulières en France, alors même que l’intéressé ne constitue aucunement une menace pour la sécurité ou l’ordre public. La légalité de la mesure demeure ainsi préservée dès lors que l’administration a procédé à une pondération cohérente des faits portés à sa connaissance.
B. Le rejet des attaches potentielles comme obstacle à l’interdiction L’argumentation du demandeur reposait sur la présence de son épouse à l’étranger et sur la perspective incertaine de son arrivée future sur le sol national. Les juges considèrent que cette circonstance « ne permettait pas alors de contredire l’appréciation portée » par l’administration sur l’absence d’attaches privées effectives. Une simple éventualité de réunion familiale ne saurait suffire à établir une violation du droit au respect de la vie privée garanti par les textes. L’arrêt confirme que la situation s’apprécie au jour de l’arrêté, excluant les projets familiaux hypothétiques dont la réalisation dépend de facteurs géopolitiques totalement incertains.