Par un arrêt du 12 février 2025, la Cour administrative d’appel de Douai a statué sur la légalité du retrait d’une décision administrative non signée.
Une adjointe administrative territoriale avait sollicité la reconnaissance d’un accident de service après un incident survenu avec l’autorité territoriale en novembre 2020.
Un arrêté de décembre 2020 l’avait placée en congé pour invalidité temporaire avant que le maire ne retire cette décision en septembre 2021.
Le Tribunal administratif de Rouen a annulé ce retrait, ce qui a conduit la collectivité à porter le litige devant la juridiction d’appel.
La juridiction devait déterminer si un acte dépourvu de signature peut créer des droits empêchant son retrait au-delà du délai de quatre mois.
Les juges confirment que l’exécution effective de l’acte suffit à lui conférer une portée juridique protectrice au profit de son bénéficiaire individuel.
I. L’admission de l’existence d’une décision créatrice de droits malgré l’absence de signature
A. La reconnaissance d’un acte administratif par son exécution matérielle
La Cour administrative d’appel de Douai relève que l’arrêté de décembre 2020, bien que non signé, a été pleinement intégré au dossier administratif.
Le juge note que « l’intéressée a bénéficié d’un plein traitement » durant plusieurs mois, attestant ainsi d’une application concrète de la décision contestée.
L’exécution financière de la mesure de placement en congé constitue un indice déterminant pour caractériser l’existence d’un acte administratif unilatéral décisoire.
Cette matérialité de l’acte permet d’envisager la nature juridique des prérogatives dont bénéficie désormais l’agent de la fonction publique territoriale.
B. La qualification de décision créatrice de droits au profit de l’agent
L’administration prétendait que cet acte n’était pas créateur de droits en raison de son caractère prétendument provisoire ou de son absence de signature.
Toutefois, les magistrats observent que l’arrêté « ne mentionne aucunement qu’il aurait un caractère provisoire » au sens des dispositions réglementaires en vigueur.
En conséquence, cet acte doit être regardé comme une décision créatrice de droits dès lors qu’il a produit des effets juridiques substantiels.
La stabilité de cet acte créateur de droits impose alors le respect de règles strictes concernant son éventuelle disparition juridique.
II. L’irrégularité du retrait hors délai de la décision individuelle favorable
A. L’application rigoureuse du délai de retrait de quatre mois
Le code des relations entre le public et l’administration limite le retrait d’une décision créatrice de droits au délai strict de quatre mois.
L’arrêté de septembre 2021 est intervenu bien après l’expiration de ce délai légal, ce qui entache la procédure de retrait d’une illégalité manifeste.
Le juge administratif assure ici la protection de la sécurité juridique de l’agent en empêchant la remise en cause tardive d’une situation acquise.
Le dépassement de ce délai ne pourrait être pallié que par la démonstration d’un comportement frauduleux lors de l’obtention de la décision.
B. L’absence de preuve d’une manœuvre frauduleuse de l’intéressé
L’autorité territoriale tentait de justifier son intervention tardive en invoquant le caractère frauduleux de l’acte initial, permettant un retrait à tout moment.
La collectivité n’apporte pas les éléments nécessaires pour établir la réalité de cette fraude, rendant l’argumentation de l’appelant totalement inopérante devant la cour.
Le rejet de la fraude confirme l’annulation du retrait, garantissant ainsi le maintien du bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service.