Cour d’appel administrative de Douai, le 14 février 2025, n°24DA00207

Par un arrêt en date du 14 février 2025, la Cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée sur la légalité d’une sanction d’exclusion d’une durée de cinq ans infligée à une étudiante au sein d’un institut de formation en soins infirmiers. En l’espèce, une étudiante infirmière a fait l’objet d’une procédure disciplinaire après avoir admis avoir falsifié la fiche d’évaluation d’un stage afin d’en obtenir la validation. Face à ce manquement, la section compétente de l’institut de formation a prononcé à son encontre la sanction d’exclusion de la formation pour une durée de cinq ans. L’étudiante a saisi le tribunal administratif d’Amiens d’une demande d’annulation de cette décision. Par un jugement du 30 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande. La requérante a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant sa régularité formelle que le bien-fondé de la sanction qui lui a été infligée. Elle soutenait notamment que la sanction était insuffisamment motivée et disproportionnée au regard des faits, invoquant un contexte particulier pour justifier son acte. Il revenait donc à la cour administrative d’appel de déterminer si la sanction maximale d’exclusion, prononcée pour une falsification de document reconnue, constituait une mesure proportionnée aux manquements déontologiques reprochés à une future professionnelle de santé. La cour a rejeté la requête, estimant que la sanction n’était pas disproportionnée eu égard à la « gravité de son manquement à la probité et aux qualités déontologiques attendues d’une infirmière ».

I. La validation d’une sanction fondée sur une faute professionnelle avérée

La cour administrative d’appel confirme la légalité de la sanction en s’assurant d’abord de la matérialité de la faute et de la régularité de la motivation de la décision disciplinaire. Elle écarte ainsi les moyens de la requérante qui tendaient à minimiser la portée de son acte ou à contester la forme de la décision.

A. La caractérisation d’une faute déontologique incontestable

La décision de la cour repose sur la reconnaissance sans équivoque de la faute commise par l’étudiante. Les juges du fond relèvent que l’intéressée « a reconnu avoir falsifié la fiche d’évaluation remplie par son tuteur et son maître de stage ». Cette reconnaissance des faits constitue le socle de leur raisonnement et rend inopérants les arguments visant à en discuter la matérialité. La cour écarte ainsi le moyen tiré d’une prétendue erreur de fait quant au nombre de falsifications, en précisant que la section disciplinaire « s’est fondée sur la seule existence de cette falsification » pour prendre sa décision. L’acte unique de falsification suffit à lui seul à constituer le manquement disciplinaire.

En agissant de la sorte, l’étudiante a porté atteinte à l’exigence de probité qui s’attache à la profession d’infirmière. La falsification d’un document officiel d’évaluation ne constitue pas une simple erreur de parcours, mais une violation consciente des obligations fondamentales de tout futur professionnel de santé, dont la fiabilité et l’honnêteté doivent être irréprochables. La cour souligne implicitement que de tels agissements sont incompatibles avec la confiance que les patients et l’institution sont en droit d’attendre.

B. La confirmation d’une motivation jugée suffisante

La requérante soutenait que la sanction n’était pas suffisamment motivée, notamment parce qu’elle constituait la peine la plus lourde prévue par les textes. La cour administrative d’appel rejette cette argumentation en se livrant à une analyse pragmatique des exigences de l’article 29 de l’arrêté du 21 avril 2007. Elle constate que la décision attaquée « comporte ainsi l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la sanction prise ». En visant les textes applicables et en décrivant précisément le comportement fautif, à savoir la falsification de la fiche de stage, l’autorité disciplinaire a mis l’étudiante à même de comprendre les motifs de sa sanction.

De plus, la cour énonce clairement qu' »il ne résulte ni des dispositions précitées de l’arrêté du 21 avril 2007 ni d’aucune autre disposition ou principe applicable que le choix de la sanction d’exclusion de la formation pour une durée de cinq ans, soit la sanction la plus sévère de l’échelle des sanctions applicable, doive donner lieu à une motivation spéciale ». Cette précision est essentielle : le juge administratif n’impose pas à l’administration une obligation de sur-motivation pour les sanctions les plus graves, dès lors que les motifs de la décision sont clairs et permettent au justiciable d’en contester le bien-fondé. La motivation ordinaire suffit, le contrôle de la proportionnalité s’exerçant dans un second temps.

II. Le contrôle rigoureux de la proportionnalité de la sanction maximale

Après avoir validé le principe de la sanction, la cour opère un contrôle approfondi de sa proportionnalité. Elle examine avec attention les circonstances invoquées par l’étudiante, mais conclut que la gravité de la faute justifie la sévérité de la mesure prononcée, réaffirmant ainsi les exigences déontologiques inhérentes à la formation des soignants.

A. Le rejet des circonstances atténuantes invoquées

L’étudiante avançait plusieurs arguments pour justifier son geste et plaider en faveur d’une sanction moins sévère. Elle se prévalait notamment d’une situation de harcèlement moral durant son stage, de circonstances personnelles difficiles et de la crainte de devoir effectuer un stage de rattrapage dans le même service. La cour analyse et écarte un à un ces éléments. Concernant le harcèlement, elle juge que les attestations produites « ne suffisent pas à faire présumer de l’existence de la situation de harcèlement moral ». La charge de la preuve n’est donc pas satisfaite.

Quant à la crainte d’un retour dans le service, le juge la qualifie d’infondée en rappelant que l’institut « a pour pratique de faire réaliser les stages de rattrapage dans des services différents, ce qu’elle ne pouvait ignorer ». Enfin, les difficultés personnelles ne sont pas jugées « susceptibles de justifier la falsification en cause ». Cette analyse démontre que le juge administratif, s’il prend en considération le contexte, exige que les justifications présentées soient directement et sérieusement liées à la faute commise et suffisamment établies. En l’espèce, aucun des éléments avancés n’a été jugé de nature à excuser ou à atténuer la gravité du manquement.

B. L’affirmation de l’adéquation de la sanction aux exigences de la profession

Pour juger la sanction proportionnée, la cour se fonde de manière déterminante sur la nature même de la faute et ses implications pour la profession infirmière. Elle estime que « eu égard à la gravité de son manquement à la probité et aux qualités déontologiques attendues d’une infirmière, la sanction d’exclusion de la formation pour une durée de cinq ans (…) n’apparaît pas disproportionnée ». Cette formule place le débat sur le terrain des valeurs professionnelles. La falsification n’est pas une simple fraude scolaire, mais une atteinte aux fondements éthiques du soin.

La cour prend également en compte le comportement antérieur de l’étudiante, notant qu' »elle avait déjà été alertée sur son comportement inadapté ». Bien qu’elle n’eût pas de sanction disciplinaire antérieure, cet élément contribue à éclairer la personnalité de l’intéressée et à conforter l’idée qu’un simple avertissement ou une exclusion temporaire aurait été insuffisant. En validant la sanction la plus élevée, le juge envoie un signal fort sur le niveau d’exigence requis pour intégrer les professions de santé. La décision a une portée pédagogique et préventive, rappelant que l’acquisition des compétences techniques ne peut se concevoir sans une intégrité morale absolue.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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