Cour d’appel administrative de Douai, le 15 janvier 2025, n°24DA00435

La Cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt du 17 décembre 2024, précise les conditions de suppression du service d’un maître contractuel.

Une enseignante d’un lycée technologique privé contestait la suppression de son poste de coiffure décidée par l’autorité rectorale en mai 2019. Le Tribunal administratif de Rouen, le 30 mars 2021, avait initialement annulé cette décision administrative pour une erreur de droit caractérisée. Saisi par le ministre de l’éducation nationale, le Conseil d’État a annulé un premier arrêt d’appel le 27 février 2024. Le litige porte sur l’interprétation de l’article R. 914-75 du code de l’éducation relatif aux mouvements des maîtres de l’enseignement privé. Les juges doivent déterminer si la durée des services accomplis constitue l’unique critère légal pour désigner les enseignants dont le service décline. La juridiction d’appel considère finalement que ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en compte d’autres éléments d’appréciation objectifs.

**I. La reconnaissance de critères de sélection complémentaires à l’ancienneté**

**A. Une interprétation souple des dispositions du code de l’éducation**

Le juge administratif rejette une lecture restrictive des textes régissant la réduction ou la suppression de service dans les établissements sous contrat. Selon la cour, les dispositions réglementaires « ne font pas obstacle à ce qu’il prenne en compte […] d’autres critères » que l’ancienneté. Cette solution privilégie les besoins et l’intérêt du service sur la logique purement chronologique habituellement appliquée aux personnels enseignants titulaires. L’administration conserve ainsi la faculté d’évaluer le profil spécifique des agents afin de garantir la pérennité du projet pédagogique de l’établissement. Le texte implique que le chef d’établissement propose une liste sans faire de la durée de service une condition exclusive de choix. Le recteur d’académie dispose de la même latitude lorsqu’il se prononce sur la liste des maîtres dont le service est réduit. Cette souplesse permet une adaptation des ressources humaines aux contraintes particulières des formations professionnelles dispensées par les structures d’enseignement privé.

**B. La légitimité du critère des qualifications professionnelles spécifiques**

Le juge valide l’usage des compétences techniques comme facteur déterminant pour justifier l’éviction d’un maître contractuel au détriment de son ancienneté. L’administration pouvait légalement fonder sa décision sur « le critère tiré de l’absence de compétences spécifiques » dans une spécialité précise de la coiffure. L’exigence d’une qualification en matière de postiches apparaît justifiée par les orientations pédagogiques et les formations de baccalauréat proposées par le lycée. L’enseignante évincée ne possédait pas le diplôme spécifique requis pour maintenir son activité malgré ses neuf années de services effectifs. La cour relève que les autres enseignants maintenus en poste disposaient soit de la qualification requise, soit d’une ancienneté supérieure à l’intéressée. Le juge considère alors qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’a été commise par l’autorité rectorale lors de la sélection du maître. Le refus de faire de l’ancienneté l’unique référence permet d’adéquationner l’offre d’enseignement aux diplômes préparés par les élèves de l’établissement.

**II. L’encadrement de la légalité des mesures de suppression de service**

**A. L’étendue du pouvoir d’appréciation de l’autorité rectorale**

La décision confirme le large pouvoir de l’administration dans l’organisation des services sous réserve d’une justification objective par les nécessités éducatives. La cour examine la « ventilation horaire retenue » qui a conduit à supprimer un poste suite à la réduction de la dotation globale. Le juge vérifie que la sélection de l’enseignant n’est pas entachée d’une erreur de droit ou d’une méconnaissance flagrante des textes. L’existence d’une formation spécialisée autorisait l’administration à « privilégier la spécialité de perruquier-posticheur au regard du critère de l’ancienneté » prévu par le code. La cour admet ainsi une hiérarchie des critères où la compétence technique peut prévaloir sur la durée des services d’enseignement accomplis. Ce contrôle assure que l’intérêt des élèves et la réussite aux examens demeurent les objectifs premiers de l’action administrative rectorale. Le juge restreint son office à la vérification de l’absence d’erreur manifeste dans la mise en œuvre de ces différents critères d’évaluation.

**B. L’éviction des moyens relatifs à la procédure et au détournement de pouvoir**

L’enseignante invoquait plusieurs moyens périphériques concernant l’existence légale du lycée et l’absence de consultation des instances représentatives du personnel salarié. La cour écarte l’argumentation relative au défaut de « capacité juridique » du syndicat professionnel gérant l’établissement privé situé au Petit-Quevilly. Les juges considèrent également que l’absence de comité d’entreprise au sein de la structure rend inopérant le moyen tiré d’un défaut de consultation. Le non-respect des échéances prévues par le calendrier prévisionnel du mouvement des maîtres reste « sans influence sur la légalité de la décision ». Enfin, les allégations de proximité familiale ou personnelle entre les différents acteurs locaux ne suffisent pas à démontrer l’existence d’un « détournement de pouvoir ». L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai réaffirme ainsi la primauté de l’utilité pédagogique dans la gestion des contrats d’enseignement. Le jugement du Tribunal administratif de Rouen est annulé et la requête indemnitaire de l’enseignante est définitivement rejetée par les juges d’appel.

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Hassan KOHEN
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