Cour d’appel administrative de Douai, le 17 septembre 2025, n°24DA01658

Par un arrêt rendu le 17 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Douai a statué sur la légalité d’une mesure d’éloignement. Un ressortissant étranger, présent sur le territoire depuis son enfance, contestait un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Rouen avait initialement rejeté sa demande d’annulation par un jugement rendu en date du 9 juillet 2024. L’appelant invoquait notamment une violation de son droit à la vie privée ainsi qu’une méconnaissance de l’intérêt supérieur de ses enfants. La juridiction d’appel devait déterminer si l’ancienneté du séjour primait sur la menace résultant de nombreuses condamnations pénales pour divers délits. La Cour administrative d’appel de Douai rejette la requête en confirmant le caractère proportionné de la mesure de police prise par le préfet. L’examen des griefs permet de s’attacher d’abord à la caractérisation de la menace pour l’ordre public avant d’apprécier la proportionnalité de l’éloignement.

I. La caractérisation d’une menace pour l’ordre public justifiant l’éloignement

A. L’appréciation de la dangerosité par la répétition des faits délictueux

La Cour administrative d’appel de Douai fonde sa décision sur l’existence d’un comportement constituant une menace réelle pour la sécurité et l’ordre publics. L’intéressé présentait un casier judiciaire particulièrement lourd comprenant plus de vingt condamnations pour des faits de vols, violences et trafics de stupéfiants. Les juges soulignent que l’autorité administrative a légalement retenu la qualification de menace au regard de la persistance de ces agissements sur deux décennies. La décision précise que les magistrats ont tenu « compte du caractère récent de sa dernière condamnation, de la répétition et de la gravité croissante des faits ». Cette appréciation factuelle permet de valider le recours aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le comportement habituel du requérant exclut ainsi toute possibilité de maintien régulier sur le sol français malgré la durée importante de sa présence.

B. La régularité formelle de la motivation de la mesure de police

Le requérant soutenait également que l’arrêté préfectoral était entaché d’une insuffisance de motivation en fait comme en droit pour les différentes décisions. La Cour administrative d’appel de Douai écarte ce moyen en relevant que l’acte mentionnait précisément les éléments de la situation personnelle de l’appelant. L’administration a ainsi visé les textes applicables et exposé les circonstances particulières justifiant l’obligation de quitter le territoire français sans aucun délai supplémentaire. La juridiction affirme que « l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement » juridique et matériel. Le préfet n’est pas tenu de mentionner l’intégralité des éléments de la vie du ressortissant mais seulement les motifs principaux de son choix. Cette rigueur dans la motivation assure la pleine validité de la décision administrative contestée devant les juges du fond et de l’appel.

II. La proportionnalité de l’éloignement face à l’ancienneté du séjour

A. La protection limitée de la vie privée par l’article 8 de la Convention européenne

L’ancienneté de la présence en France, débutée dès la petite enfance, ne constitue pas un obstacle absolu au prononcé d’une mesure d’éloignement définitif. La Cour administrative d’appel de Douai considère que l’ingérence dans la vie privée est proportionnée à la nécessité de protéger l’ordre et la sécurité. Malgré des liens familiaux réels, le requérant n’établit aucune insertion professionnelle sérieuse ni aucune perspective de réinsertion durable dans la société française actuelle. L’arrêt énonce que la décision « ne peut être regardée, par rapport à l’objectif de préservation de l’ordre public qu’elle poursuit, comme emportant des conséquences disproportionnées ». L’absence de vie commune stable et l’incarcération récente de sa compagne affaiblissent considérablement l’argumentation fondée sur le respect de la vie familiale. L’intérêt général lié à la prévention des infractions pénales prévaut ici sur l’attachement géographique du ressortissant étranger au territoire de la République.

B. L’absence d’intérêt supérieur de l’enfant lésé par l’interdiction de retour

Le juge administratif vérifie systématiquement si la mesure de police ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts des enfants mineurs du requérant. La Cour administrative d’appel de Douai relève toutefois que l’appelant ne justifie d’aucune participation effective à l’entretien ou à l’éducation de sa progéniture. Le défaut de preuves concernant les liens affectifs et matériels avec ses enfants rend inopérant le moyen tiré de la convention internationale des droits. L’arrêt souligne que l’intéressé « ne justifie d’aucune capacité à participer effectivement à l’entretien et à l’éducation de ses deux enfants » nés en France. L’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est également confirmée en raison de la menace persistante identifiée. La légalité de cette interdiction découle directement de la dangerosité du comportement passé et de l’absence de garanties sérieuses de représentation future.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture