La Cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 18 juillet 2025, un arrêt relatif à la légalité d’un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant étranger, présent sur le sol national depuis 1986, a sollicité la régularisation de sa situation administrative en septembre 2023. L’autorité préfectorale a toutefois opposé un refus à cette demande par un arrêté en date du 22 novembre 2023. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les prétentions de l’intéressé par un jugement du 9 octobre 2024. Le requérant a interjeté appel de cette décision en invoquant notamment une insuffisance de motivation et une méconnaissance de la Convention européenne des droits de l’homme. La juridiction d’appel devait alors déterminer si une demande d’aide juridictionnelle déposée après l’expiration du délai de recours contentieux pouvait valablement interrompre ce dernier. L’arrêt rejette la requête en constatant l’irrecevabilité manifeste de la demande initiale en raison de sa tardiveté. L’analyse de cette décision conduit à examiner la rigueur du délai de recours (I) avant d’aborder l’inefficacité d’une demande d’aide juridictionnelle tardive (II).
I. La rigueur procédurale du délai de recours contre l’obligation de quitter le territoire L’examen de la recevabilité du recours suppose d’abord de vérifier la régularité de la notification (A) afin de confirmer la tardiveté de la requête (B).
A. La preuve de la notification régulière de l’acte administratif La Cour administrative d’appel de Douai rappelle que le délai de recours contre une obligation de quitter le territoire français est strictement encadré. Selon les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers, « le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision ». Ce formalisme garantit une célérité indispensable au traitement du contentieux des étrangers tout en respectant le droit au recours effectif des administrés. Le point de départ de ce délai est constitué par la réception effective de l’acte administratif par son destinataire direct. L’autorité administrative doit apporter la preuve de cette notification pour que le délai de forclusion puisse légalement commencer à courir contre l’administré.
B. Le constat d’une tardiveté irrémédiable de la saisine juridictionnelle En l’espèce, les pièces du dossier démontrent que « l’arrêté attaqué a été notifié (…) par un courrier recommandé réceptionné le 27 novembre 2023 ». L’accusé de réception portait la signature du destinataire, ce qui rendait la notification parfaitement régulière et opposable devant les juridictions compétentes. Le requérant n’a déposé sa demande au greffe du tribunal administratif de Rouen que le 30 mai 2024, soit bien après l’expiration du délai imparti. Une telle saisine, intervenant plusieurs mois après la fin du délai légal, se heurte inévitablement à une fin de non-recevoir d’ordre public. Les juges confirment ainsi que l’absence de réaction prompte de l’intéressé entraîne la perte définitive de son droit d’agir contre la décision contestée.
II. L’inefficacité d’une demande d’aide juridictionnelle postérieure au délai de forclusion L’échec de l’interruption du délai s’explique par le dépôt tardif de l’aide juridictionnelle (A) au nom d’un impératif supérieur de sécurité juridique (B).
A. L’absence d’effet interruptif d’une démarche tardive L’interruption du délai de recours par une demande d’aide juridictionnelle suppose que celle-ci intervienne impérativement avant que la forclusion ne soit acquise. La juridiction précise que cette démarche « n’a été déposée que le 12 février 2024, postérieurement à l’expiration du délai de recours ». Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne saurait réouvrir un délai déjà expiré, car son rôle se limite à suspendre ou interrompre un cours encore valide. Cette règle protège l’administration contre des recours perpétuels qui pourraient naître de simples sollicitations financières ou logistiques effectuées hors délai. La cour souligne l’importance pour le justiciable de manifester son intention de contester l’acte dans la fenêtre temporelle initialement définie.
B. La préservation nécessaire de la sécurité juridique des décisions administratives La décision finale de la cour souligne la nécessité de préserver la sécurité juridique entourant les actes administratifs devenus définitifs par l’écoulement du temps. En rejetant la requête, les magistrats affirment que la demande d’aide « n’a dès lors pas pu interrompre » un délai qui était déjà totalement forclos. Cette solution jurisprudentielle évite une fragilisation excessive des mesures d’éloignement qui doivent pouvoir être exécutées une fois les voies de recours épuisées. La stabilité des situations juridiques prime ici sur les arguments de fond invoqués par l’intéressé, aussi sérieux fussent-ils sur le plan humain. Le juge administratif reste le gardien vigilant du respect des règles de procédure qui structurent l’ordre juridique et social.