Cour d’appel administrative de Douai, le 18 juin 2025, n°24DA00408

La cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt rendu le dix-huit juin deux mille vingt-cinq, se prononce sur la responsabilité d’une collectivité départementale. Un agent territorial, affecté à de nouvelles fonctions de photographe, invoque une dégradation de sa santé mentale consécutive à des agissements de sa hiérarchie. Le tribunal administratif d’Amiens avait initialement reconnu l’imputabilité au service de sa pathologie tout en écartant la qualification de harcèlement moral fautif. Le requérant sollicite la réformation de ce jugement afin d’obtenir une indemnisation intégrale de son préjudice moral évalué à quarante mille euros. La question posée au juge d’appel consiste à déterminer si l’exercice du pouvoir hiérarchique dans un contexte de réorganisation peut constituer un harcèlement. La juridiction d’appel rejette les requêtes respectives en confirmant que les griefs invoqués ne font pas présumer l’existence de pratiques abusives répétées.

I. L’objectivation rigoureuse des agissements de harcèlement moral par le juge administratif

A. L’exigence de faits matériels excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique

Le juge administratif rappelle que l’agent doit soumettre des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral caractérisé. L’arrêt précise que les décisions de changement d’affectation s’inscrivaient ici dans le cadre d’une réorganisation globale des services de la communication départementale. La cour relève que les reproches adressés au fonctionnaire « n’ont pas été exprimés dans des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ». Le mécontentement exprimé par la hiérarchie face à des dysfonctionnements organisationnels ne saurait être assimilé à une volonté délibérée de dénigrer l’agent concerné. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante distinguant les contraintes inhérentes à la vie professionnelle des agissements attentatoires à la dignité des agents.

B. La prise en compte déterminante du comportement de l’agent dans l’appréciation du harcèlement

L’appréciation souveraine des juges du fond intègre désormais systématiquement les comportements respectifs de l’encadrant et de l’agent s’estimant victime de tels agissements. L’instruction révèle que le requérant se montrait réfractaire aux nouvelles conditions de travail en refusant de participer aux réunions de service hebdomadaires obligatoires. La cour souligne le « comportement inapproprié » du fonctionnaire qui avait délibérément feint d’ignorer la présence de son supérieur lors d’une conférence publique. Cette attitude d’opposition frontale à la réorganisation administrative atténue la portée des reproches formulés à l’encontre de la gestion humaine du service. L’absence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation injustifiée des conditions de travail interdit donc la reconnaissance d’une faute.

II. L’autonomie relative de l’imputabilité au service de la pathologie psychique

A. Le maintien de la reconnaissance de la maladie professionnelle malgré l’absence de faute

Bien que le harcèlement soit écarté, la cour confirme l’imputabilité au service du trouble dépressif sévère dont souffre l’agent depuis son changement d’affectation. La pathologie présente un lien direct avec l’exercice des fonctions car elle résulte d’un sentiment de perte d’autonomie et d’une sous-utilisation des compétences. Les experts médicaux ont conclu que la souffrance au travail découlait de la nouvelle structure professionnelle sans qu’aucun antécédent psychiatrique ne soit décelé. Le juge administratif considère que « certains comportements inadaptés » de l’agent ne constituent pas un fait personnel de nature à détacher la maladie du service. Cette distinction fondamentale permet de garantir une protection fonctionnelle minimale même lorsque l’administration n’a commis aucun manquement grave à ses obligations légales.

B. La confirmation d’une réparation forfaitaire modérée pour le préjudice moral

L’indemnisation des préjudices personnels résultant d’une maladie professionnelle s’opère sur une base complémentaire à la réparation forfaitaire prévue pour les dommages patrimoniaux. Le requérant prétendait à une somme de quarante mille euros en invoquant la gravité de ses symptômes et la compromission de ses perspectives professionnelles futures. La cour administrative d’appel de Douai estime cependant que le montant de deux mille euros alloué en première instance constitue une appréciation suffisante. La circonstance que le harcèlement moral ne soit pas établi limite nécessairement le quantum des dommages-intérêts exigibles au titre de la responsabilité administrative. La décision finale stabilise ainsi l’équilibre entre la nécessaire protection de la santé des agents et le refus d’indemniser des griefs non démontrés.

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Hassan KOHEN
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