Cour d’appel administrative de Douai, le 18 juin 2025, n°24DA02148

    Par un arrêt rendu le 18 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Douai précise les conditions de renouvellement du titre de séjour portant la mention étudiant. Une ressortissante de nationalité béninoise est entrée régulièrement sur le territoire national en novembre 2020 sous couvert d’un visa de long séjour pour suivre des études. Elle a bénéficié d’un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu’au 4 novembre 2022 avant de solliciter une nouvelle prolongation de son droit au séjour en février 2024. Le préfet de la Seine-Maritime a opposé un refus à cette demande, assorti d’une obligation de quitter le territoire français et d’une fixation du pays de destination.

    Le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement du 24 septembre 2024 dont l’intéressée a interjeté appel. La requérante soutient que l’administration a commis une erreur de droit en lui opposant l’absence de visa de long séjour lors d’une demande de renouvellement. Elle invoque également une méconnaissance de la convention franco-béninoise ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation quant à la réalité de son projet pédagogique actuel. La juridiction d’appel doit déterminer si le dépôt d’une demande de titre plus de six mois après l’expiration du précédent document autorise l’administration à exiger un visa. La Cour confirme la solution des premiers juges en considérant que le retard transforme la procédure de renouvellement en une première demande de titre.

I. La soumission de la demande de renouvellement tardive au régime de la première délivrance

A. La déchéance du droit au renouvellement simplifié par l’écoulement du délai de six mois

    La Cour administrative d’appel de Douai rappelle que le respect des délais de présentation de la demande conditionne le maintien des avantages liés au renouvellement. Selon les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’usager doit solliciter le nouveau titre avant l’expiration du précédent. L’article R. 431-8 du code précise que l’étranger doit « justifier à nouveau, pour l’obtention d’un document de séjour, des conditions requises pour l’entrée sur le territoire national ». Cette obligation s’applique dès lors qu’aucune demande n’a été formulée six mois après la date de fin de validité du titre de séjour expiré.

    En l’espèce, l’intéressée n’établit pas avoir sollicité la prolongation de son titre dans les six mois suivant le 4 novembre 2022, date de son expiration. Le préfet de la Seine-Maritime peut alors légalement considérer que la démarche administrative constitue une première demande de délivrance d’un titre de séjour plutôt qu’un renouvellement. Cette qualification juridique emporte des conséquences majeures sur les conditions de fond que la requérante doit désormais remplir pour obtenir l’autorisation de demeurer en France. Le juge administratif valide cette analyse rigoureuse qui sanctionne la négligence de l’administré dans le suivi de sa situation administrative auprès des services de la préfecture.

B. Le rétablissement de l’exigence du visa de long séjour pour les demandes hors délais

    La transformation de la demande de renouvellement en première demande entraîne l’exigibilité immédiate d’un visa de long séjour en cours de validité pour l’étudiant étranger. La Cour souligne que « la première délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l’étranger du visa ». Cette exigence textuelle constitue un pilier du contrôle des flux migratoires et de la régularité de l’entrée sur le territoire pour les ressortissants d’États tiers. L’administration ne commet donc aucune erreur de droit en opposant ce défaut de pièce à une demande déposée tardivement par rapport au titre de séjour.

    La requérante n’a pas sollicité le bénéfice d’une dérogation ni présenté de motifs susceptibles de justifier une dispense de cette condition de visa de long séjour. Les juges d’appel estiment que « c’est sans entacher son arrêté d’erreur de droit et d’erreur d’appréciation » que le préfet a rejeté la demande pour ce motif. La solution retenue confirme que le régime dérogatoire de l’article L. 412-3 du code ne s’applique pas automatiquement en cas de rupture de la continuité du séjour. Cette rigueur procédurale assure une protection de l’autorité de l’État sur la délivrance des titres de séjour face aux demandes formulées hors des délais.

II. Le contrôle de la réalité du projet étudiant et des conséquences de l’éloignement

A. L’appréciation souveraine du motif principal du séjour et de la progression des études

    Le juge administratif procède à une analyse concrète de la réalité de la poursuite des études pour vérifier si le séjour conserve son objet initial. La convention franco-béninoise prévoit que le titre de séjour est renouvelé annuellement sur « justification de la poursuite effective des études » ou du stage de formation choisi. La Cour relève que la requérante ne justifie de l’obtention d’aucun diplôme depuis son arrivée sur le territoire français en novembre 2020 malgré plusieurs années. Elle constate également que l’intéressée a travaillé au-delà de la quotité horaire autorisée par son précédent statut d’étudiante étrangère sur le territoire national.

    L’intention de s’engager dans une relation de travail avec un centre hospitalier sous le statut de stagiaire associé renforce l’idée d’un changement d’orientation professionnelle. Le juge conclut souverainement que « le suivi d’études ne pouvait pas être regardé comme étant le principal motif du séjour de l’intéressée en France » au moment de l’arrêté. Cette appréciation globale permet de rejeter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations conventionnelles internationales applicables aux ressortissants de la République du Bénin. La décision administrative repose sur des éléments de fait précis qui démontrent le caractère non probant ou détourné du parcours académique de l’appelante.

B. L’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant à la situation personnelle et familiale

    La légalité du refus de séjour et de l’obligation de quitter le territoire s’apprécie enfin au regard de l’atteinte portée à la vie privée de l’administré. La requérante résidait en France depuis un peu plus de trois ans seulement à la date de la décision contestée par le préfet de département. Elle est célibataire, ne dispose d’aucune charge de famille sur le territoire et ne peut justifier d’aucune attache familiale particulière au sein de l’État d’accueil. La Cour note que l’intéressée possède un diplôme de médecine dans son pays d’origine, ce qui facilite grandement sa réinsertion professionnelle lors du retour.

    L’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation quant aux conséquences de la mesure d’éloignement sur la situation personnelle de la ressortissante étrangère évincée du territoire. Les juges estiment qu’elle n’établit pas être isolée en cas de retour au Bénin où elle a conservé ses racines et ses opportunités professionnelles. La juridiction rejette l’argumentation fondée sur le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en raison de l’absence d’effet direct de ces stipulations. Cet arrêt confirme ainsi la validité de la mesure de police administrative et rejette l’intégralité des conclusions aux fins d’annulation et d’injonction présentées.

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Hassan KOHEN
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