Cour d’appel administrative de Douai, le 19 juin 2025, n°24DA01842

Par un arrêt rendu le 19 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Douai précise les conditions de rejet d’une comptabilité et l’application de la présomption de distribution. Une société exploitant un restaurant fit l’objet d’une vérification de comptabilité pour les exercices clos en 2014 et 2015, entraînant la reconstitution de ses recettes. L’administration fiscale a par la suite assujetti le gérant et son épouse à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de revenus distribués. Le Tribunal administratif de Lille rejeta leur demande de décharge par un jugement du 4 juillet 2024, dont les contribuables interjettent aujourd’hui appel devant la juridiction. Les requérants contestent tant le rejet de la sincérité de leur comptabilité que la qualification de maître de l’affaire retenue pour justifier l’imposition. La question posée concerne la validité de la méthode de reconstitution des recettes et la preuve de l’appréhension effective des sommes par le dirigeant social. La Cour confirme la solution des premiers juges en validant le caractère non probant des documents comptables et la présomption pesant sur le maître de l’affaire. Il convient d’étudier la validation du rejet de la comptabilité ainsi que de la reconstitution (I) avant d’analyser la présomption d’appréhension des revenus distribués (II).

I. La validité du rejet de la comptabilité et la régularité de la reconstitution des recettes

A. Le caractère non probant et non sincère des documents comptables

Pour l’exercice clos en 2014, l’administration a relevé une « absence totale de pièces permettant d’établir le détail des recettes » pour une période de plusieurs mois. Les contribuables invoquaient en vain la défectuosité du matériel de caisse ou un changement de cabinet comptable pour justifier la carence de leurs documents. La Cour souligne que de telles circonstances ne sauraient expliquer l’absence de production de l’inventaire des stocks à l’ouverture de l’exercice considéré. Dès lors, la comptabilité est légitimement regardée comme irrégulière et dépourvue de caractère probant, autorisant ainsi l’administration à écarter les documents présentés par la société.

S’agissant de l’année 2015, le service a mis en évidence que la comptabilité n’était pas sincère en raison de discordances majeures entre les achats et les ventes. La confrontation des factures fournisseurs et des états de stocks révélait l’existence d’un grand nombre d’articles manquants par rapport aux quantités disponibles à la vente. Les requérants soutenaient que le taux de pertes de boissons aurait dû être fixé à 20 % au lieu des taux retenus par le vérificateur. Toutefois, ils n’apportent aucun élément de preuve permettant de démontrer que du champagne aurait été servi en lieu et place d’un simple vin pétillant.

B. Le contrôle de la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires

L’administration a reconstitué les recettes liquides en appliquant aux volumes achetés les prix pratiqués, puis a utilisé un ratio pour déterminer le chiffre d’affaires global. Les contribuables critiquent cette méthode en invoquant l’existence d’un service limonade ou de menus spécifiques dont les boissons seraient déjà incluses dans le prix. Néanmoins, ils n’apportent aucun élément permettant de démontrer la réalité de ces prestations de services ou l’existence de telles formules tarifaires durant le contrôle. La Cour juge ainsi que les requérants n’établissent pas que la méthode de reconstitution retenue par l’administration serait « radicalement viciée ou excessivement sommaire ». Cette validation de la méthode comptable permet alors à l’administration de rechercher le bénéficiaire effectif des revenus ainsi reconstitués par le service.

II. La présomption d’appréhension des revenus par le maître de l’affaire

A. Les critères de caractérisation de la maîtrise exclusive de l’entreprise

Pour établir que le gérant devait être regardé comme le seul maître de l’affaire, l’administration s’est fondée sur la détention de l’intégralité du capital social. Le contribuable disposait statutairement des pouvoirs de gestion les plus étendus et détenait seul la signature bancaire du compte professionnel de la société de restauration. Il ressort de l’instruction que l’intéressé était l’interlocuteur privilégié auprès des clients, des fournisseurs ainsi que des différents salariés employés par l’établissement. « Le contribuable qui dispose seul des pouvoirs les plus étendus est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle » rappelle la juridiction. La réunion de ces indices permet de caractériser une situation de maîtrise de l’affaire justifiant l’application de la présomption de distribution au profit du dirigeant.

B. La force probante de la présomption et l’échec de la preuve contraire

Les requérants tentaient de contester cette qualité pour l’année 2014 en soulignant qu’une partie des parts sociales appartenait à des tiers jusqu’en avril. Cependant, les revenus sont « présumés distribués à la date de clôture de l’exercice » au terme duquel leur existence a été légalement constatée par l’administration. En l’absence d’éléments établissant une distribution effective à une date antérieure, la modification de la structure du capital en cours d’année reste ici sans incidence. La Cour écarte également l’argument relatif à la manipulation des espèces par les salariés dès lors que le gérant conservait la signature bancaire exclusive. La preuve de l’appréhension des revenus est donc rapportée par le fisc, entraînant par voie de conséquence le rejet définitif de la requête des contribuables.

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Hassan KOHEN
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