La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 19 juin 2025, un arrêt relatif aux conditions de la réduction d’impôt pour les investissements productifs en outre-mer. Un contribuable a souscrit au capital de sociétés en nom collectif afin de financer l’acquisition de matériels destinés à des opérateurs économiques situés en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion. L’administration fiscale a remis en cause cet avantage au motif que les entreprises exploitantes ne respectaient pas leurs obligations déclaratives et de paiement à la date des investissements.
Le tribunal administratif de Lille a rejeté, par un jugement du 18 juillet 2024, la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu. Le requérant soutient devant la juridiction d’appel que les attestations de régularité fiscale produites suffisaient à établir la situation régulière des sociétés au regard des exigences du code général des impôts. La ministre chargée des comptes publics conclut au rejet de la requête en soulignant que la condition de régularité porte sur l’ensemble des dettes fiscales.
Le litige porte sur la portée probatoire des attestations de régularité fiscale face à l’existence de dettes portant sur la cotisation foncière des entreprises ou des pénalités. La cour administrative d’appel de Douai rejette l’appel en jugeant que le respect des obligations fiscales doit s’apprécier de manière globale et effective à la date de chaque investissement. L’analyse de la condition de régularité fiscale et l’exigence d’une preuve complète de la part du contribuable constituent les deux axes majeurs du raisonnement des juges.
I. L’interprétation souveraine d’une condition de régularité fiscale cumulative
A. La prééminence du texte clair sur les intentions du législateur
La cour relève que les dispositions de l’article 199 undecies B « sont claires de sorte qu’il n’est pas nécessaire de se reporter aux travaux parlementaires ». L’octroi de l’avantage fiscal demeure strictement subordonné au respect par les entreprises de l’intégralité de leurs obligations fiscales et sociales à la date de réalisation. Cette clarté textuelle exclut toute interprétation restrictive qui limiterait le contrôle aux seules impositions principales déclarées par le contribuable dans ses écritures comptables. La solution retenue privilégie ainsi une lecture littérale du code général des impôts pour garantir la sécurité juridique des opérations de défiscalisation ultramarines.
B. L’insuffisance probante des attestations de régularité fiscale limitatives
Le requérant prétendait démontrer sa conformité par la seule production d’attestations relatives à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. Les juges considèrent que ces documents « n’apportent pas de contradiction probante aux éléments d’information avancés par la ministre » concernant l’existence d’autres dettes fiscales. Le défaut de paiement de la cotisation foncière des entreprises ou de simples pénalités de recouvrement suffit à paralyser le bénéfice de la réduction d’impôt revendiquée. Cette rigueur dans l’appréciation des éléments de preuve souligne la volonté de la juridiction de ne tolérer aucun manquement fiscal, même accessoire.
II. Une exigence de preuve renforcée face à l’administration fiscale
A. L’appréciation de la situation fiscale à la date de réalisation de l’investissement
La cour précise que le respect de la condition de régularité fiscale « doit être apprécié à la date de réalisation de chaque investissement » productif. Les constatations administratives ont révélé que plusieurs sociétés exploitantes n’avaient pas acquitté des impositions ou des pénalités dues au titre d’années antérieures à l’investissement. Cette approche temporelle stricte impose aux investisseurs une vigilance constante sur la situation réelle des exploitants au moment précis de la mise en service des matériels. La charge de la preuve pèse ainsi lourdement sur le contribuable qui doit s’assurer de la parfaite probité de ses partenaires économiques locaux.
B. L’inopposabilité de la doctrine administrative générale au régime des investissements ultramarins
L’invocation de la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques ne permet pas au contribuable d’échapper à la rigueur de la loi fiscale. La cour écarte ce moyen en relevant que « les sociétés exploitantes des équipements visés par les investissements en cause n’entrent pas dans les prévisions de ces énonciations ». Le régime spécifique de l’aide fiscale outre-mer obéit à ses propres règles qui ne sauraient être assouplies par des instructions générales relatives aux attestations de régularité. La juridiction confirme ainsi le caractère autonome et particulièrement exigeant des conditions de fond nécessaires au maintien des avantages fiscaux de la loi Girardin.