La cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt rendu le 2 avril 2025, se prononce sur la légalité du refus de recrutement d’un agent contractuel. Un candidat, initialement retenu pour un poste de technicien en insertion professionnelle, a vu son recrutement annulé en raison des mentions portées à son casier judiciaire. Saisi d’une demande d’annulation et d’indemnisation, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête pour tardiveté par une ordonnance du 14 mars 2024. L’intéressé a alors relevé appel en soutenant que sa demande d’aide juridictionnelle avait interrompu le délai de recours contentieux. Il contestait également le bien-fondé du motif tiré de l’incompatibilité de ses condamnations pénales avec les fonctions sollicitées. La juridiction d’appel devait donc déterminer si une seconde demande d’aide juridictionnelle interrompt le délai de recours et si des infractions routières font obstacle au recrutement. La cour censure l’ordonnance de première instance (I) mais rejette au fond les prétentions du requérant en validant l’appréciation de l’administration (II).
I. La consécration de la recevabilité du recours et l’inexistence d’un contrat
A. L’effet interruptif de la demande d’aide juridictionnelle
La juridiction administrative d’appel précise les conditions d’application de l’article 43 du décret du 28 décembre 2020 relatif à l’aide juridique. Elle estime que la présentation d’une demande d’aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux de deux mois. Le bénéfice de cette interruption profite au requérant même si une décision de rejet est intervenue postérieurement à sa saisine initiale. La cour écarte l’argument de l’université selon lequel une nouvelle demande n’interromprait pas le délai après un premier refus. Elle souligne que ces dispositions « ont pour seul objet d’interdire toute nouvelle interruption du délai de recours par la présentation d’une demande ultérieure ». L’examen de la recevabilité du recours permet au juge d’aborder ensuite la question de la nature juridique de la relation entre les parties.
B. La nature conditionnelle du recrutement envisagé
L’intéressé prétendait qu’un lien contractuel définitif s’était formé par l’acceptation de l’offre d’emploi publiée par l’établissement d’enseignement supérieur. La cour administrative d’appel de Douai écarte cette analyse en relevant la dimension conditionnelle de la proposition de recrutement formulée. L’administration avait expressément subordonné l’engagement à « l’absence, sur son casier judiciaire, de mentions incompatibles avec l’exercice de fonctions publiques ». Dès lors, aucune décision créatrice de droit n’était née au profit du candidat avant la vérification effective du bulletin numéro deux. Le refus de recrutement ne constitue donc pas le retrait d’une décision individuelle favorable mais une simple étape de la procédure d’engagement. Par conséquent, le requérant ne pouvait utilement invoquer l’absence de motivation d’une mesure de retrait de contrat qui n’existait pas encore. Si la recevabilité du recours est admise par le juge, le bien-fondé de la contestation se heurte toutefois à l’exigence d’intégrité de l’agent public.
II. La validation de l’appréciation administrative sur l’intégrité de l’agent
A. L’incompatibilité manifeste des infractions routières avec les fonctions
L’administration peut légalement écarter un candidat si les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire sont incompatibles avec les missions. En l’espèce, le requérant avait fait l’objet de condamnations répétées entre 2016 et 2019 pour des délits routiers et un refus d’obtempérer. La cour juge que la gravité et la réitération de ces infractions « révèlent un comportement incompatible avec l’exercice des fonctions de technicien ». Le poste en cause, classé en catégorie B, impose une rigueur particulière dans le respect des cadres réglementaires et de l’autorité. Les juges considèrent que le sens des responsabilités attendu d’un tel agent est manifestement défaillant au regard des faits reprochés. L’éloignement temporel des derniers faits n’a pas suffi à atténuer l’appréciation négative portée par l’université sur la moralité du candidat. La constatation de cette incompatibilité comportementale conduit alors le juge à préciser l’étendue de son contrôle sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire.
B. L’exigence de probité comme condition de légalité du refus d’engagement
La solution retenue par la cour administrative d’appel de Douai confirme le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité administrative pour recruter ses agents. Le juge exerce un contrôle restreint sur l’adéquation entre le casier judiciaire et les fonctions sans se substituer à l’administration. Il en résulte que le refus de recrutement n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation malgré l’absence de lien direct entre les infractions. L’exigence de probité s’étend au comportement général du futur agent public afin de préserver la dignité du service de l’enseignement supérieur. Puisque la décision de rejet est légale, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices financier et moral sont nécessairement rejetées. Cette jurisprudence renforce l’idée que le respect de la loi constitue le socle indispensable de toute collaboration avec la puissance publique.