La cour administrative d’appel de Douai, par une décision rendue le 2 juillet 2025, précise les conditions de légalité procédurale des limitations apportées au droit de grève. Une organisation syndicale contestait l’arrêté conjoint du préfet et du président du conseil d’administration d’un établissement public d’incendie fixant un effectif minimal de service. Le tribunal administratif de Lille ayant annulé cet acte pour vice de procédure le 16 janvier 2024, l’établissement public a interjeté appel de ce jugement. La juridiction d’appel devait déterminer si la fixation d’un service minimum constitue une mesure d’organisation du corps départemental nécessitant l’avis préalable du conseil d’administration. Les magistrats confirment l’annulation de l’arrêté en jugeant que l’absence de consultation de cet organe délibérant constitue une irrégularité ayant influencé le sens de la décision. L’arrêt souligne l’exigence impérative de consultation du conseil d’administration pour organiser le service (I), avant de sanctionner rigoureusement l’omission de cette formalité (II).
I. L’interprétation extensive de la notion d’organisation du corps départemental
A. Le fondement du pouvoir de limitation du droit de grève Le juge rappelle que les organes dirigeants d’un établissement public disposent, même sans texte, du pouvoir de limiter le droit de grève des agents. Cette compétence s’exerce pour assurer la continuité du service public et la sauvegarde de l’intérêt général conformément aux principes constitutionnels en vigueur. « Il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même » la nature des restrictions indispensables à l’ordre public. Dans le cadre des services d’incendie, le préfet et le président du conseil d’administration agissent en vertu de leurs pouvoirs généraux d’organisation des services.
B. La soumission de la compétence administrative aux formalités législatives L’article L. 1424-6 du code général des collectivités territoriales soumet l’organisation du corps départemental à un arrêté conjoint précédé de l’avis du conseil d’administration. L’établissement public soutenait vainement que cette consultation ne concernait que la répartition territoriale des personnels ou la structure administrative de l’entité concernée. La cour juge au contraire que la détermination d’un effectif minimal en cas de conflit social participe directement à l’organisation des effectifs opérationnels. La compétence d’organisation du service « ne peut légalement s’exercer […] que suivant les modalités prévues par cette disposition » législative spécifique.
La méconnaissance de cette formalité consultative impose alors d’évaluer la gravité du vice de procédure au regard des garanties offertes aux personnels.
II. La caractérisation d’une irrégularité substantielle au sens de la jurisprudence Danthony
A. L’appréciation de l’influence potentielle sur le contenu de l’arrêté L’irrégularité procédurale n’entraîne l’annulation de l’acte administratif que si elle prive les intéressés d’une garantie ou influence le contenu de la décision finale. Le juge administratif fait ici une application rigoureuse de la jurisprudence Danthony en examinant la composition et les compétences réelles de l’instance non consultée. L’absence de saisine du conseil d’administration est jugée substantielle car cet organe réunit des représentants élus capables d’apporter un éclairage utile. « L’absence de consultation du conseil d’administration a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de l’arrêté » litigieux.
B. La portée de la protection des compétences consultatives du conseil d’administration L’administration ne peut s’exonérer de cette consultation en invoquant le caractère technique des mesures ou l’urgence supposée de la réglementation du droit de grève. La présence de sapeurs-pompiers et de médecins au sein du conseil permet de garantir une expertise opérationnelle indispensable à la définition du service minimum. Le juge écarte l’argument selon lequel l’avis simple n’aurait pas modifié le texte définitif, protégeant ainsi l’effectivité du dialogue institutionnel interne. Cette solution renforce la protection des prérogatives des instances collégiales face aux décisions unilatérales des autorités de direction dans les services de secours.