Cour d’appel administrative de Douai, le 2 juillet 2025, n°24DA00616

La cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt rendu le 2 juillet 2025, précise les conditions d’indemnisation d’un agent contractuel territorial en fin de mission. Un adjoint d’animation, employé durant sept années par une commune via douze contrats à durée déterminée, sollicite la réparation de divers préjudices matériels et moraux. L’agent invoque un manquement à l’obligation de sécurité suite au bris de ses lunettes et dénonce la précarité résultant du renouvellement constant de ses engagements professionnels. Par un jugement du 2 février 2024, le tribunal administratif de Rouen reconnaît l’abus de contrats mais limite l’indemnisation globale à la somme de mille cinq cents euros. Le requérant interjette appel pour obtenir une réévaluation de ses indemnités tandis que la collectivité sollicite, par voie incidente, l’annulation totale de sa condamnation indemnitaire initiale. Le juge administratif doit déterminer si la dégradation d’un bien personnel en service engage la responsabilité de l’employeur et si la succession de contrats temporaires est justifiée. La cour administrative d’appel de Douai confirme l’existence d’un abus contractuel mais rejette la demande relative au bris de lunettes faute de preuve d’une faute administrative. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la caractérisation de la responsabilité de l’administration avant d’examiner les modalités de réparation des préjudices subis par l’agent.

**I. L’appréciation nuancée des fondements de la responsabilité administrative**

**A. L’exclusion d’une faute de service lors d’un dommage matériel aux biens**

Le requérant soutient que l’administration a méconnu son obligation de sécurité en ne prévenant pas le bris de ses lunettes survenu durant son temps de travail habituel. La juridiction écarte cette prétention en soulignant que « la seule circonstance que le requérant a endommagé ses lunettes sur le lieu de son service n’implique aucunement un manquement ». L’agent ne démontre pas de conditions d’exercice inhabituelles ou dangereuses qui auraient exposé ses biens personnels à un risque excédant les aléas ordinaires de ses fonctions. Le juge administratif refuse ainsi d’appliquer la délibération municipale prévoyant un remboursement forfaitaire car l’accident ne s’inscrit pas dans le cadre de missions exceptionnelles confiées. Cette solution protège les deniers publics en évitant que la collectivité ne devienne l’assureur automatique de tous les dommages matériels fortuits subis par ses personnels.

**B. La sanction du recours abusif à une succession de contrats temporaires**

La loi du 26 janvier 1984 autorise le recrutement d’agents non titulaires pour faire face à un besoin lié à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité. La cour administrative d’appel de Douai rappelle cependant qu’un « examen global des circonstances dans lesquelles ces contrats ont été renouvelés » peut révéler un usage abusif. En l’espèce, l’agent a enchaîné douze contrats successifs sur une période de sept ans pour remplir des fonctions pérennes au sein du service d’animation périscolaire. Les délibérations annuelles créant ces emplois temporaires ne justifient pas d’une hausse réelle de l’activité communale mais témoignent d’un besoin permanent de la structure employeuse. Dès lors que la faute de la collectivité est établie, il convient d’évaluer les conséquences pécuniaires et morales de cette gestion illégale du personnel contractuel.

**II. L’encadrement strict de l’indemnisation du préjudice de précarité**

**A. La méthode de calcul de l’indemnité compensatrice de licenciement**

Le préjudice résultant de l’abus de contrats à durée déterminée est évalué par référence aux « avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement ». Cette fiction juridique permet de compenser la perte d’une chance de stabilité professionnelle en allouant une somme équivalente à l’indemnité légale prévue pour un agent licencié. La juridiction se fonde sur le dernier salaire net perçu au cours du mois précédant l’interruption de la relation d’emploi pour déterminer le montant dû. Elle exclut toutefois l’indemnité de préavis car le refus de l’agent de signer un nouveau contrat ne permet pas de caractériser une éviction brutale injustifiée. Le calcul s’établit sur une ancienneté de six années pleines, portant ainsi la condamnation à deux mille quatre cents euros au titre du seul préjudice financier.

**B. La confirmation souveraine de l’indemnisation des troubles immatériels**

L’indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence s’ajoute aux réparations pécuniaires pour compenser l’insécurité sociale générée par la succession des contrats. Le tribunal administratif de Rouen avait initialement fixé cette somme à mille cinq cents euros, montant que la cour administrative d’appel de Douai choisit de confirmer. Les magistrats considèrent que « les premiers juges n’ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice moral » en retenant cette somme au regard des éléments produits. L’arrêt final porte donc la condamnation totale de la commune à trois mille neuf cents euros, tout en mettant à sa charge les frais de procédure. Cette décision illustre la volonté du juge de sanctionner les pratiques de recrutement illégales tout en maintenant une évaluation raisonnable et proportionnée des préjudices invoqués.

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Hassan KOHEN
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