La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 22 janvier 2025, un arrêt relatif à la responsabilité d’un hôpital public lors d’une infection néonatale. Un nourrisson présentait des signes cliniques inquiétants dès sa naissance dans une clinique privée, justifiant son transfert immédiat vers un service de réanimation pédiatrique performant. Le diagnostic de méningite liée à une infection materno-fœtale a été établi, mais l’enfant conserve depuis d’importantes séquelles motrices et cognitives handicapantes. Saisi par les représentants légaux, le tribunal administratif de Lille a déclaré l’établissement public responsable des dommages subis à hauteur de vingt pour cent. Le centre hospitalier a relevé appel de ce jugement, contestant l’existence d’un retard fautif dans l’administration de l’antibiothérapie ou dans l’intervention des secours. La question posée au juge est de savoir si le délai de mise en place d’un traitement adapté constitue une faute engageant la responsabilité hospitalière. La cour administrative d’appel confirme la solution des premiers juges en retenant une méconnaissance caractérisée des règles de l’art par les services de soins. L’examen de cette décision invite à analyser la caractérisation de la faute médicale avant d’apprécier la reconnaissance d’une perte de chance d’éviter le dommage.
I. L’identification d’une faute médicale liée au retard thérapeutique
A. L’exclusion de la responsabilité pour l’organisation des secours d’urgence
L’organisme de sécurité sociale et les parents reprochaient initialement au service d’aide médicale d’urgence un délai d’intervention excessif pour le transfert du nouveau-né. Le juge écarte ce grief en soulignant que l’équipe dédiée était mobilisée sur deux autres situations de détresse prioritaire survenues le même jour. L’arrêt précise que l’enfant se trouvait déjà dans une structure hospitalière capable de prendre toutes les mesures médicales que son état de santé imposait. Le délai d’environ une heure et demie « ne peut être regardé comme présentant par lui-même un caractère fautif » compte tenu des circonstances particulières d’intervention. Les magistrats refusent également de sanctionner l’absence d’hémoculture préalable, car l’administration du traitement à un nouveau-né symptomatique constitue toujours une urgence vitale absolue.
B. La sanction du retard dans l’administration du traitement antibiotique approprié
La responsabilité de l’établissement public est engagée en raison d’une défaillance dans la stratégie thérapeutique mise en œuvre lors de l’admission du jeune patient. Bien que des symptômes évocateurs d’une infection materno-fœtale aient été identifiés, le diagnostic n’a pas été mentionné dans le compte rendu d’admission initiale. L’administration d’une « antibiothérapie à doses méningées » n’a été effective que seize heures après la naissance, malgré la dégradation constante de l’état clinique. La juridiction considère qu’en attendant autant de temps pour agir, le centre hospitalier « doit être regardé comme ayant méconnu les règles de l’art ». Ce manquement aux obligations professionnelles permet d’établir la faute nécessaire à l’engagement de la responsabilité pour faute simple de l’établissement public de santé. Cette faute ayant eu des conséquences irréversibles sur le développement de l’enfant, il convient d’en évaluer l’incidence réelle sur la santé de la victime.
II. L’indemnisation de la perte de chance résultant de la faute hospitalière
A. L’existence d’un lien direct entre le retard de soin et le dommage
Le juge administratif rappelle que la réparation ne porte pas sur l’intégralité du dommage corporel mais sur la fraction de chance perdue d’éviter l’aggravation. Les experts soulignent qu’une prise en charge précoce de ce syndrome infectieux intense est de nature à améliorer le pronostic neurologique et réduire les séquelles. Le retard imputable à l’hôpital a retardé l’administration du traitement salvateur jusqu’à la seizième heure de vie, compromettant ainsi les chances de récupération optimale. L’arrêt affirme que l’établissement a fait perdre à l’enfant « une chance d’échapper aux séquelles conservées » en raison de cette inertie thérapeutique prolongée et injustifiée. L’administration tardive des molécules à doses adaptées a directement influencé la gravité des lésions cérébrales constatées par l’imagerie médicale lors du suivi pédiatrique.
B. La confirmation de la fraction de responsabilité fixée par le juge du fond
La cour évalue la perte de chance à vingt pour cent, rejoignant ainsi l’appréciation faite par les experts médicaux et le tribunal de première instance. Cette proportion s’explique par la gravité intrinsèque de l’infection bactérienne néonatale qui peut entraîner des dommages même en l’absence de toute erreur médicale. L’indemnisation provisionnelle allouée aux parents et à la victime directe reste ainsi justifiée par l’ampleur du retard de prise en charge constaté par l’expertise. Le centre hospitalier doit donc verser les sommes définies au titre du préjudice moral des parents ainsi que pour les troubles de santé de l’enfant. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille est confirmé en toutes ses dispositions, rejetant également les demandes de majoration de l’organisme de sécurité sociale.