Cour d’appel administrative de Douai, le 24 avril 2025, n°24DA00588

La Cour administrative d’appel de Douai a rendu le 24 avril 2025 un arrêt relatif au régime de prescription des créances indemnitaires nées d’erreurs fiscales. Un établissement public de coopération intercommunale sollicitait la réparation d’un préjudice financier causé par une minoration de dotations de compensation entre les années 2011 et 2020. L’administration avait commis une erreur initiale dans la détermination des bases d’imposition d’une société commerciale pour la taxe professionnelle. Le Tribunal administratif de Lille avait fait droit à cette demande indemnitaire par un jugement du 8 février 2024. Saisie en appel, la juridiction devait préciser l’articulation entre la prescription quadriennale de droit commun et le régime spécial prévu par le livre des procédures fiscales. La solution retenue distingue les créances selon la date de révélation de leur existence pour déterminer le cadre juridique applicable.

I. L’articulation rigoureuse des régimes de prescription

A. L’application résiduelle de la prescription quadriennale de droit commun

Pour les créances nées en 2011 et 2012, les juges appliquent les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances. La juridiction précise que cette prescription générale n’est applicable que « sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spécial ». Le point de départ du délai est fixé au jour où la victime peut « connaître l’origine du dommage » ou dispose d’indications suffisantes. L’établissement public connaissait les erreurs de calcul dès la notification des sommes annuelles au titre de la dotation de compensation de la réforme. Le délai de quatre ans avait donc commencé à courir à la fin de chaque année civile concernée par les versements minorés. La demande indemnitaire présentée seulement en décembre 2020 se heurtait ainsi à une prescription déjà acquise pour les premières années du litige.

B. La primauté du régime spécial du livre des procédures fiscales

Les créances révélées après le 1er janvier 2013 sont soumises à l’article L. 190 A du livre des procédures fiscales issu de la loi de finances. Ce régime spécial exclut l’application de la loi de 1968 pour les actions fondées sur une faute commise dans la détermination de l’assiette. La cour souligne que cette règle limite la réparation à une période postérieure au « 1er janvier de la deuxième année précédant celle » de la réclamation. En l’espèce, la réclamation introduite le 16 décembre 2020 ne pouvait couvrir que les préjudices subis à compter de l’année 2018. Les magistrats écartent l’argumentation relative à une atteinte disproportionnée au droit au recours ou au respect des biens protégés par la convention européenne. L’articulation de ces deux dispositifs législatifs entraîne une réduction significative de la période pendant laquelle la responsabilité de l’administration peut être engagée.

II. Une responsabilité administrative reconnue mais strictement circonscrite

A. La confirmation d’une faute commise par les services fiscaux

La responsabilité de l’autorité publique est engagée en cas de faute commise lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement ou de recouvrement. Les juges rappellent que l’erreur dans le calcul des sommes à verser aux collectivités locales constitue une faute de nature à générer un préjudice. L’administration fiscale a commis une erreur dans la détermination des bases imposables d’une société privée, ce qui a affecté le montant de la compensation relais. Cette méprise initiale a eu pour conséquence mécanique de « minorer les montants » versés annuellement à l’établissement public au titre des dotations nationales. Le caractère fautif de cette gestion avait déjà été reconnu par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux le 15 octobre 2020. L’administration ne contestait d’ailleurs pas l’existence de cette faute lors de la procédure devant la cour administrative d’appel de Douai.

B. L’indemnisation limitée du préjudice financier établi

Le préjudice financier est constitué par la minoration indue des dotations instituées pour compenser la perte de recettes fiscales découlant de la réforme législative. La cour valide le calcul du montant annuel de la minoration fondé sur les conséquences du rehaussement des bases de la taxe professionnelle. L’autorité publique n’apportait aucun élément précis permettant de remettre en cause cette évaluation chiffrée malgré la complexité alléguée des règles de calcul. La condamnation de l’administration est toutefois ramenée à la somme totale correspondant à la seule période répétible définie par le livre des procédures fiscales. Le montant initialement fixé par le Tribunal administratif de Lille est ainsi réduit pour tenir compte des seules années 2018, 2019 et 2020. L’arrêt confirme que la réparation d’une faute fiscale demeure strictement encadrée par des délais de forclusion destinés à préserver la sécurité juridique.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture