Un ressortissant étranger, présent sur le territoire français depuis 2015 sous couvert d’un titre de séjour pour étudiants, a sollicité le renouvellement de ce dernier. Son parcours universitaire, initié par l’obtention d’une licence après deux redoublements, s’est poursuivi par deux échecs successifs en première année de master, puis par une réorientation vers un diplôme de niveau inférieur à celui déjà acquis, et enfin par une inscription dans une formation de niveau équivalent à sa licence. Face à ce cursus jugé peu probant, le préfet du Nord, par un arrêté du 1er août 2023, a non seulement rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, mais a également assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français, de la fixation du pays de destination et d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 24 juillet 2024, rejeté l’ensemble de ses prétentions. L’étranger a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant le refus de séjour que les mesures d’éloignement subséquentes. La question de droit soumise à la cour administrative d’appel était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si un parcours universitaire marqué par des échecs répétés et des réorientations vers des niveaux de qualification inférieurs ou égaux justifiait, au regard de l’exigence de sérieux des études, un refus de renouvellement de titre de séjour. D’autre part, la cour devait apprécier si le prononcé d’une interdiction de retour d’un an était une mesure proportionnée à l’encontre d’un étranger ayant séjourné régulièrement sur le territoire pendant plusieurs années et y ayant noué des liens personnels. Par une décision du 24 septembre 2025, la cour administrative d’appel a validé le refus de renouvellement du titre de séjour, estimant que l’administration avait pu légalement considérer que le caractère réel et sérieux des études n’était plus établi. En revanche, elle a annulé l’interdiction de retour sur le territoire français, la jugeant disproportionnée au regard de la situation personnelle du requérant.
Cette décision illustre une application duale du contrôle juridictionnel en matière de police des étrangers. La cour confirme ainsi l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’administration quant à la réalité du projet d’études de l’étranger (I), tout en exerçant un contrôle de proportionnalité rigoureux sur les mesures accessoires à la décision de refus de séjour (II).
I. La validation de l’appréciation restrictive du sérieux des études
La cour administrative d’appel conforte la position de l’administration préfectorale en validant son analyse de la trajectoire académique de l’étudiant. Elle admet que la cohérence du parcours constitue un critère déterminant de l’appréciation du sérieux des études (A), et ce faisant, elle relativise la portée des justifications personnelles avancées par l’intéressé pour expliquer ses échecs (B).
A. La cohérence du parcours, critère déterminant de l’appréciation
La cour rappelle que pour l’application des dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’administration doit « rechercher, à partir de l’ensemble du dossier, si le demandeur peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études ». L’analyse des juges se fonde sur une vision globale et longitudinale du cursus de l’étudiant. Ils relèvent ainsi non seulement les échecs et redoublements, mais surtout les changements d’orientation qui ne témoignent pas d’une progression. Le fait que l’étudiant, après un échec en master, se soit inscrit à un « diplôme universitaire d’études françaises (…) d’un niveau inférieur au niveau universitaire déjà acquis » puis dans une formation « équivalente à son diplôme de licence obtenu en 2020 », est décisif. Cette absence de progression dans le niveau de qualification visé permet à la cour de conclure que le préfet « n’a pas fait une inexacte application » des textes. Le contrôle du juge ne se limite donc pas à la simple vérification d’une inscription administrative pour l’année à venir, mais porte sur la logique et la finalité du parcours dans sa globalité.
B. La portée limitée des justifications personnelles de l’étudiant
Face à l’argumentaire du requérant, qui invoquait « les difficultés liées à la pandémie de Covid 19 » ainsi que « l’exercice d’une activité professionnelle à temps partiel » pour justifier ses résultats, la cour adopte une position stricte. Elle considère que ces éléments « ne sont pas, à eux-seuls suffisants, pour justifier ses deux derniers échecs successifs ». Cette motivation démontre que la charge de la preuve du sérieux des études pèse entièrement sur l’étudiant étranger. Si des circonstances exceptionnelles peuvent être prises en compte, elles ne sauraient exonérer le demandeur de son obligation de démontrer une progression tangible dans son cursus. De même, la cour écarte la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en soulignant que le séjour de l’intéressé « sous couvert d’un titre de séjour ‘étudiant’, ne lui donnait pas vocation à s’y installer durablement ». La nature même du titre détenu conditionne ainsi l’appréciation de l’atteinte à la vie privée et familiale, laquelle est jugée proportionnée au but de contrôle des flux migratoires.
Après avoir consolidé le pouvoir d’appréciation de l’administration sur le motif principal du refus de séjour, la cour opère une distinction nette en censurant l’une des mesures complémentaires qui l’accompagnait.
II. La censure de la mesure d’interdiction de retour disproportionnée
La seconde partie du raisonnement de la cour marque une rupture avec la première. Si le refus de séjour est validé, les juges annulent l’interdiction de retour sur le territoire français en se fondant sur une application concrète des critères légaux (A), consacrant ainsi un contrôle de proportionnalité autonome pour cette mesure spécifique (B).
A. L’application concrète des critères d’appréciation légaux
La cour fonde sa décision d’annulation sur les dispositions de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte impose à l’autorité administrative de tenir compte, pour décider d’une interdiction de retour et en fixer la durée, de « la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public ». La cour examine un par un ces critères au regard de la situation du requérant. Elle constate qu’à la date de la décision, il « résidait en France depuis huit ans, en situation régulière », qu’il « n’a fait l’objet d’aucune précédente mesure d’éloignement » et que sa présence « ne représente pas une menace à l’ordre public ». Elle ajoute qu’il a « noué une relation avec une compatriote, qui réside régulièrement en France ». C’est la conjonction de ces éléments factuels qui la conduit à conclure que « le préfet du Nord a fait une inexacte application des dispositions précitées en interdisant le retour de M. A… sur le territoire français pendant un an ».
B. La portée d’un contrôle de proportionnalité autonome
En annulant l’interdiction de retour tout en maintenant le refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire, la cour dissocie l’analyse de ces différentes mesures. Elle signifie que la légalité d’un refus de titre de séjour n’entraîne pas automatiquement la validité de toutes les mesures accessoires d’éloignement. L’interdiction de retour, qui constitue une sanction administrative et non une simple conséquence du séjour irrégulier, doit faire l’objet d’une motivation et d’une appréciation de proportionnalité qui lui sont propres. La décision rendue, bien que statuant sur un cas d’espèce, a une portée pédagogique importante. Elle rappelle à l’administration que le prononcé d’une interdiction de retour ne peut être systématique ou fondé sur la seule illégalité du séjour. Il doit reposer sur une appréciation globale et individualisée de la situation de l’étranger, conformément aux critères explicitement définis par le législateur. Cette approche garantit que la sévérité de la mesure soit ajustée à la situation personnelle de l’individu et non seulement à sa situation administrative.