Cour d’appel administrative de Douai, le 24 septembre 2025, n°24DA02125

La Cour administrative d’appel de Douai, par une décision du 24 septembre 2025, délimite les contours de l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Un ressortissant étranger, titulaire d’un titre de séjour depuis 2019, a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjourner en qualité d’étudiant auprès des services préfectoraux. L’autorité administrative a opposé un refus le 24 mars 2023, considérant que la formation invoquée ne justifiait pas le maintien de l’intéressé sur le territoire national.

Saisi d’une demande d’annulation, le tribunal administratif de Lille a rejeté les prétentions du requérant par un jugement rendu le 7 mai 2024. L’intéressé a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Douai pour obtenir l’annulation de la décision de première instance. Il soutient que son cursus présente un caractère sérieux et que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation réelle.

La problématique juridique repose sur le point de savoir si une inscription à une formation par correspondance satisfait à la condition de suivi d’un enseignement en France. Les juges d’appel confirment la solution de premier ressort en jugeant qu’une formation dématérialisée ne caractérise pas la réalité d’un enseignement sur le territoire français. L’analyse du raisonnement de la juridiction permet d’aborder l’exigence de présence physique avant d’étudier les modalités de contrôle de la réalité des études.

**I. L’exigence de présence physique inhérente au séjour étudiant**

**A. L’interprétation matérielle de la notion d’enseignement en France**

L’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour impose à l’étranger d’établir « qu’il suit un enseignement en France ou qu’il y fait des études ». Cette disposition implique une localisation géographique précise de l’activité académique justifiant le droit au séjour sur le sol national. La Cour administrative d’appel de Douai souligne que l’administration doit rechercher si le demandeur peut être « raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études » au moment de sa demande. Cette vérification permet de s’assurer que le titre de séjour répond à un besoin réel de présence physique lié aux contraintes pédagogiques rencontrées.

La solution retenue par les juges d’appel s’inscrit dans une lecture stricte de la matérialité de l’enseignement dispensé au requérant étranger. La présence effective sur le territoire ne constitue pas une simple formalité mais la condition sine qua non de l’octroi de la protection juridique associée.

**B. L’insuffisance du suivi d’une formation par correspondance**

L’étude de la situation factuelle révèle que le requérant s’est prévalu d’une inscription à une préparation par correspondance aux fonctions de contrôleur de gestion. La juridiction relève toutefois que cette formation « se déroule entièrement à distance » et ne nécessite pas la présence de l’étudiant dans l’hexagone. Un tel enseignement dématérialisé ne peut dès lors être regardé comme caractérisant le suivi d’un cursus « au sens et pour l’application des dispositions » du code. Cette interprétation écarte les formations par correspondance du bénéfice automatique du renouvellement du titre de séjour lorsque la présence physique est superfétatoire.

La Cour refuse ainsi de valider une stratégie de maintien sur le territoire qui ne reposerait pas sur une contrainte matérielle liée à l’apprentissage. Ce constat conduit naturellement à examiner la portée du contrôle exercé par le juge sur la réalité et le sérieux du parcours académique.

**II. La rigueur du contrôle de la réalité des études**

**A. L’appréciation souveraine de l’effectivité du cursus**

Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’administration concernant le sérieux des études poursuivies par le ressortissant étranger. Ce contrôle s’effectue en tenant compte de « l’assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi » par l’intéressé depuis son arrivée. En l’espèce, l’autorité administrative avait opposé un second motif tiré de l’absence de réalité et de sérieux des études menées depuis l’année 2019. La Cour administrative d’appel de Douai valide la démarche administrative en soulignant que l’ensemble du dossier doit permettre d’attester de la volonté réelle de progresser.

L’exigence de sérieux constitue un rempart contre le détournement de l’objet du titre de séjour étudiant à des fins exclusivement migratoires. Le juge s’attache à vérifier que le cursus ne se limite pas à des inscriptions successives sans obtention de diplôme ou progression notable.

**B. L’indifférence des circonstances postérieures à la décision**

Le requérant tentait de pallier l’absence de sérieux de sa formation par correspondance en invoquant une inscription ultérieure en master au sein d’une université. La Cour écarte cet argument en précisant que l’intéressé ne peut « utilement se prévaloir de son inscription, postérieure à la décision en litige ». La légalité d’un acte administratif s’apprécie en effet à la date de son édiction par l’autorité compétente sans égard pour les événements futurs. Cette règle de procédure limite le champ de l’instruction aux éléments de fait et de droit existant au moment de l’arrêté préfectoral contesté.

La juridiction administrative confirme ainsi que le premier motif suffisait à fonder la décision de refus même si le second motif était contesté. La requête est donc rejetée car l’illégalité de la décision de séjour n’est pas établie, ce qui prive de fondement l’annulation des mesures d’éloignement.

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Hassan KOHEN
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