La Cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt rendu le 24 septembre 2025, examine la légalité d’une prolongation de l’interdiction de retour sur le territoire. Un ressortissant étranger en situation irrégulière, interpellé pour détention de produits stupéfiants, conteste la décision administrative prolongeant son interdiction de retour pour deux années supplémentaires. Le Tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 22 janvier 2025, avait annulé l’arrêté en considérant que le droit de l’intéressé à être entendu préalablement avait été méconnu. Saisie en appel, la juridiction administrative doit décider si l’audition par la police suffit à garantir le respect des droits de la défense du ressortissant étranger. Le juge d’appel annule le jugement de première instance en estimant que la procédure suivie n’a pas privé l’intéressé d’une garantie effective pour sa défense. L’analyse portera d’abord sur la définition jurisprudentielle du droit d’être entendu avant d’étudier la validation des mesures d’éloignement et de sûreté.
I. La portée mesurée du droit d’être entendu
A. L’absence d’obligation d’information préalable sur la nature de la mesure
La Cour rappelle que l’autorité administrative doit mettre le ressortissant à même de présenter ses observations utiles et effectives avant d’adopter une décision défavorable. Elle précise que ce droit « ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé ». L’audition par les services de police portant sur la situation administrative et personnelle globale suffit à satisfaire aux exigences du respect des droits de la défense. Le juge souligne ainsi qu’il n’est pas nécessaire d’informer explicitement la personne de l’éventualité d’une prolongation spécifique de son interdiction de retour déjà existante. Cette solution confirme une approche pragmatique où la connaissance générale de sa situation irrégulière par l’étranger permet l’exercice effectif de son droit de réponse.
B. La nécessité d’un grief réel pour l’annulation de l’acte administratif
L’irrégularité procédurale n’entraîne l’annulation de la décision que si elle a exercé une influence déterminante sur le sens de la mesure prise par l’administration. La Cour affirme qu’il « revient à l’intéressé d’établir devant le juge […] que les éléments qu’il n’a pas pu présenter […] auraient pu influer sur le sens ». Le requérant doit démontrer que l’absence d’audition spécifique l’a privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense selon les circonstances de l’espèce. Or, en l’absence de faits nouveaux ou de circonstances particulières non invoquées lors de l’audition, le grief tiré de la violation procédurale est écarté. Le juge administratif restreint ainsi la portée du vice de procédure aux seules hypothèses où le résultat final aurait pu être substantiellement différent.
II. La validation de la prolongation de l’interdiction de retour
A. L’application rigoureuse des critères de prolongation de la mesure
L’autorité administrative peut prolonger l’interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans si l’étranger s’est maintenu irrégulièrement malgré une obligation de quitter. Pour fixer cette durée, elle doit « tenir compte de la durée de présence de l’étranger […] de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France ». La Cour constate que l’intéressé ne justifie d’aucun lien familial stable ni d’une insertion sociale particulière malgré plusieurs années passées sur le territoire national. Elle retient également la menace pour l’ordre public caractérisée par l’interpellation récente du ressortissant pour des faits de détention de produits stupéfiants interdits. Ces éléments cumulés justifient légalement la sévérité de la mesure de prolongation décidée par le représentant de l’État dans le ressort de la juridiction.
B. Le contrôle de proportionnalité au regard de la vie privée
Le juge vérifie si la prolongation de l’interdiction ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti conventionnellement. Les allégations relatives à un concubinage ou à un état de santé précaire ne sont pas étayées par des éléments de preuve suffisamment circonstanciés ou probants. La Cour observe que les certificats médicaux produits restent « généraux et sont insuffisamment étayés » pour faire obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Le représentant de l’État n’a donc commis aucune erreur manifeste d’appréciation en prolongeant l’interdiction de retour tout en ordonnant simultanément une assignation à résidence. La décision de la juridiction d’appel rétablit ainsi la pleine efficacité des prérogatives administratives en matière de gestion des flux migratoires et de sécurité publique.