Cour d’appel administrative de Douai, le 25 juin 2025, n°23DA01323

La cour administrative d’appel de Douai a rendu une décision le 25 juin 2025 concernant le refus d’implantation d’un parc de quatre aérogénérateurs. Une société commerciale a déposé sa demande d’autorisation environnementale en décembre 2022 afin d’exploiter des installations de production d’électricité sur une commune. L’autorité préfectorale a opposé un refus à ce projet en mai 2023 en raison d’un avis défavorable émis par les services de la défense.

La société pétitionnaire a introduit un recours devant la juridiction administrative afin d’obtenir l’annulation de cet acte administratif qu’elle jugeait illégal. Elle soutenait notamment que l’autorité signataire était incompétente et que l’avis militaire manquait de base légale en l’absence de certains décrets d’application. L’administration a conclu au rejet de la requête en invoquant la situation de compétence liée résultant du caractère contraignant de l’avis de l’armée.

Le litige porte sur l’articulation entre les objectifs de développement des énergies renouvelables et les impératifs techniques liés à la sécurité de la navigation aérienne. Les magistrats devaient déterminer si l’absence de dispositions réglementaires spécifiques prévues par le code de l’environnement faisait obstacle au pouvoir de contrôle militaire. La juridiction d’appel confirme la légalité du refus en validant l’application des règles générales relatives aux obstacles à la navigation aérienne.

I. L’assujettissement du pouvoir préfectoral au mécanisme de l’avis conforme

A. La force contraignante de l’opposition de l’autorité militaire Le code de l’environnement prévoit que le représentant de l’État saisit l’autorité militaire pour recueillir un avis conforme lors de l’instruction d’un projet éolien. L’arrêt souligne que « la délivrance de l’autorisation environnementale portant sur un projet d’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent est subordonnée à un accord ». Le sens de cet avis s’impose juridiquement au préfet qui perd alors toute marge d’appréciation personnelle concernant l’opportunité ou la faisabilité du projet industriel.

Lorsque cet accord est refusé, « le préfet est tenu de rejeter la demande d’autorisation environnementale » en vertu des dispositions réglementaires applicables à la procédure. Cette obligation de rejet transforme l’acte préfectoral en une décision dont le contenu est entièrement dicté par l’autorité ayant émis l’avis conforme préalable. La juridiction administrative rappelle que le refus de l’accord militaire ne constitue pas une décision isolée susceptible de faire l’objet d’un recours direct indépendant.

B. L’inopérance corrélative des moyens de forme et de procédure La constatation d’une situation de compétence liée entraîne des conséquences importantes sur le contrôle exercé par le juge concernant la régularité externe de l’acte. Les magistrats considèrent que les griefs relatifs à l’incompétence de l’auteur de l’arrêté ou à l’insuffisance de sa motivation sont dépourvus d’influence sur la solution. Puisque l’administration n’avait pas d’autre choix que de rejeter la demande, d’éventuels vices de forme ne sauraient entraîner l’annulation de la décision litigieuse.

Cette solution jurisprudentielle classique permet de protéger l’efficacité de l’action administrative tout en limitant les annulations pour des motifs purement formels sans incidence réelle. La société requérante ne peut donc utilement contester que le bien-fondé de l’avis émis par le ministère chargé de la défense nationale lors de l’instruction. Le débat se déplace ainsi vers la validité juridique et la réalité technique des motifs ayant fondé l’opposition de l’institution militaire au projet éolien.

II. La validation de la protection des intérêts de la défense nationale

A. L’autonomie de la base légale issue du code de l’aviation civile La requérante invoquait l’absence du décret mentionné par le code de l’environnement pour contester la légalité de l’avis défavorable qui lui avait été opposé. La cour administrative d’appel écarte ce moyen en relevant que l’avis litigieux reposait directement sur les dispositions législatives et réglementaires du code des transports. L’établissement d’installations de grande hauteur « susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne » demeure soumis à une autorisation spéciale des services ministériels compétents.

Le silence du pouvoir réglementaire concernant certaines mesures d’application du code de l’environnement ne paralyse pas l’exercice des missions régaliennes de protection de l’espace aérien. Les magistrats précisent que cette circonstance « ne faisait pas obstacle à ce que le ministre émette l’avis conforme requis » pour garantir la sécurité des vols. La base légale de la décision administrative est ainsi jugée suffisante au regard des enjeux de sécurité publique et de l’organisation générale de l’aviation.

B. La réalité technique des perturbations sur les radars militaires Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l’appréciation technique portée par l’administration concernant les risques de perturbations électromagnétiques induits par les mâts éoliens. L’analyse démontre que les structures projetées présentent « une gêne avérée pour ce radar qui n’est pas acceptable en l’état » compte tenu de leur hauteur significative. La cour valide les conclusions du centre d’expertise aérienne militaire qui soulignent les phénomènes de masquage et de désensibilisation perturbant les capacités de détection.

Les arguments de la société relatifs à l’existence d’autres parcs autorisés ou à l’utilisation de logiciels de traitement automatisé ne permettent pas de renverser l’analyse technique. Les perturbations générées par les installations ne doivent pas remettre en cause « de manière significative les capacités de fonctionnement des radars et des aides à la navigation ». La primauté accordée à la sécurité militaire justifie légalement l’éviction d’un projet économique dont l’impact sur les outils de défense est techniquement démontré.

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Hassan KOHEN
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