La Cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt rendu le 27 juin 2025, se prononce sur la légalité d’un refus d’autorisation environnementale. Une société pétitionnaire a sollicité l’installation de trois aérogénérateurs sur le territoire de deux communes septentrionales avant de se heurter à un refus préfectoral. Le pétitionnaire a alors saisi la juridiction d’appel afin d’obtenir l’annulation de cet acte administratif et l’injonction de délivrer le titre sollicité. Le représentant de l’État soutenait que le projet portait atteinte au paysage, à la commodité du voisinage ainsi qu’à la conservation de certaines espèces. La question posée aux juges consistait à déterminer si les inconvénients identifiés présentaient un caractère suffisant pour justifier légalement l’opposition de l’autorité publique. La juridiction décide d’annuler l’arrêté contesté en considérant que les mesures d’évitement et le contexte local rendaient les impacts résiduels non significatifs.
I. Une appréciation nuancée des nuisances paysagères et de voisinage
A. La relativisation de l’impact visuel et patrimonial
Le juge administratif examine d’abord la qualité intrinsèque du paysage pour apprécier l’existence d’une éventuelle atteinte aux sites et aux monuments environnants. Il relève que le secteur d’implantation, bien que proche de zones classées à l’inventaire mondial, est déjà fortement marqué par des infrastructures de transport. La décision souligne que le paysage se compose de plateaux de grandes cultures « déjà anthropisé avec la présence notamment de l’autoroute A1 ». Cette reconnaissance d’un milieu dégradé affaiblit la portée des critiques relatives à la dénaturation de l’environnement par l’introduction de nouvelles structures verticales. La cour écarte l’argument d’une covisibilité préjudiciable avec des monuments historiques en soulignant l’éloignement important séparant les différentes installations en cause. Elle précise qu’il ne résulte pas de l’instruction que les éoliennes viendraient en « surplomb significatif » des terrils protégés par le droit national. L’appréciation souveraine des magistrats privilégie ainsi une approche concrète des perceptions visuelles plutôt qu’une protection purement abstraite des horizons patrimoniaux régionaux.
B. L’absence d’atteinte caractérisée à la commodité du voisinage
L’analyse de la commodité du voisinage repose sur la recherche d’un trouble excédant les inconvénients normaux imposés par l’intérêt général de la transition. La cour admet certes une visibilité du projet depuis le centre d’un village proche mais elle récuse la qualification d’un effet d’écrasement insupportable. Les juges observent que l’installation ne générera pas de « surplomb direct sur ce lieu de vie » situé à une distance respectable des machines. La présence préexistante de nuisances sonores et visuelles liées à une autoroute limitrophe contribue à l’acceptabilité juridique de l’implantation des trois nouveaux aérogénérateurs. Le refus préfectoral est donc censuré sur ce point faute d’éléments probants démontrant une dégradation réelle et substantielle des conditions de vie locales. Cette solution illustre la rigueur du contrôle exercé sur les motifs de police administrative qui doivent s’appuyer sur des faits précis et incontestables. Le contrôle de la légalité des motifs s’étend également à la protection de la biodiversité dont l’évaluation technique conditionne la validité de l’autorisation.
II. Le contrôle de l’efficacité des mesures de réduction de l’atteinte à la biodiversité
A. La validation de la stratégie de préservation de l’avifaune protégée
La protection de la nature constitue un pilier de l’autorisation environnementale dont le respect est scrupuleusement vérifié par le juge du plein contentieux. L’administration craignait initialement que l’implantation d’une machine ne vienne perturber la reproduction d’un rapace protégé fréquentant régulièrement la plaine agricole concernée. La juridiction valide pourtant le projet en soulignant la pertinence des mesures préventives consistant notamment en un suivi écologique rigoureux du chantier. Elle note avec précision que « le risque de dérangement de cette espèce en période de travaux a été pris en compte par le projet ». La création de zones d’attractivité déportées et l’aménagement d’un sol minéral au pied des mâts permettent de limiter efficacement les risques de collision. En jugeant que le péril n’est pas significatif, la cour impose une lecture réaliste des impacts qui ne saurait aboutir à une interdiction automatique. Le raisonnement juridique privilégie l’analyse de la balance entre la présence de l’espèce et l’efficacité concrète des dispositifs de gestion technique.
B. La primauté de la proportionnalité des mesures sur les recommandations techniques non contraignantes
La question de la protection des chiroptères illustre l’arbitrage nécessaire entre les guides techniques internationaux et les réalités biologiques observées sur le terrain. L’autorité préfectorale reprochait au projet de ne pas respecter une distance minimale préconisée par un accord international relatif à la conservation des chauves-souris. Les magistrats rappellent cependant que ces recommandations sont « dépourvues de valeur contraignante » et ne sauraient fonder seules une décision de refus d’autorisation. Ils considèrent que la mise en œuvre d’un plan de bridage renforcé permet de réduire la mortalité des espèces de manière tout à fait satisfaisante. La décision insiste sur le fait que l’interruption du fonctionnement des machines lors de conditions météorologiques favorables garantit un impact résiduel non significatif. Par cette approche, le juge administratif consacre un pragmatisme technique face aux exigences administratives parfois jugées excessives au regard du droit positif. L’annulation de l’arrêté entraîne par conséquent l’obligation pour l’administration de réexaminer la demande en tenant compte des motifs de l’arrêt ainsi rendu.