La Cour administrative d’appel de Douai a rendu le 28 août 2025 une décision relative au régime indemnitaire des ingénieurs des travaux publics. Un fonctionnaire a sollicité le réexamen de ses primes versées en 2021 suite à la mise en place du nouveau régime indemnitaire. L’intéressé a formé un recours administratif contestant son ancien système de primes avant de saisir le tribunal administratif d’Amiens d’une requête en annulation. Les juges de première instance ont annulé la décision de l’administration fixant les montants de l’indemnité de fonctions et du complément indemnitaire annuel. Le ministre compétent a interjeté appel en soutenant l’inexistence d’une décision préalable et une erreur de droit concernant le calcul des sommes dues. La juridiction d’appel doit déterminer si un recours gracieux imprécis lie le contentieux et si une prime supprimée peut servir de base de calcul. La Cour confirme l’annulation de la décision administrative après avoir admis la recevabilité de la demande et constaté une erreur dans l’assiette indemnitaire.
I. La reconnaissance de la recevabilité du recours gracieux
A. Une interprétation souple de l’objet de la contestation administrative
L’administration contestait la recevabilité de la requête initiale en invoquant l’absence de lien direct entre le recours gracieux et la décision attaquée. L’agent avait officiellement contesté ses anciennes primes de l’année 2020 sans viser explicitement l’indemnité de fonctions perçue au titre de l’année suivante. La Cour relève pourtant que le requérant avait précisé que sa démarche était « directement reliée » au calcul de son nouveau régime indemnitaire. Cette précision textuelle permet de considérer que l’objet de la réclamation administrative englobait nécessairement les décisions pécuniaires résultant de ce calcul. Les juges adoptent ainsi une lecture finaliste des écrits de l’agent pour garantir son droit à un recours effectif devant la juridiction. L’étroite dépendance technique entre les anciens et les nouveaux paramètres de rémunération justifie cette extension du périmètre de la contestation initiale.
B. L’existence d’une décision implicite de rejet susceptible de recours
L’acceptation du contenu du recours gracieux entraîne mécaniquement la naissance d’une décision implicite de rejet de la part du ministre de tutelle. Le silence gardé par l’autorité administrative sur la demande de réexamen constitue une décision susceptible d’être déférée devant le juge de l’excès de pouvoir. La Cour administrative d’appel de Douai rejette par conséquent le moyen tiré de l’inexistence d’une décision administrative préalable à la saisine du tribunal. Cette solution permet de conserver le délai de recours contentieux au profit de l’agent public dont les intérêts financiers sont directement impactés. L’irrégularité soulevée par l’administration est écartée pour laisser place à l’examen du bien-fondé des modalités de calcul de l’indemnité litigieuse.
II. La censure du mode de calcul de la garantie indemnitaire
A. Le respect impératif du mécanisme de maintien de la rémunération antérieure
L’article 6 du décret du 20 mai 2014 pose le principe du maintien du montant indemnitaire lors de la transition vers le nouveau régime. Cette disposition prévoit que le « montant indemnitaire mensuel perçu par l’agent » est conservé jusqu’à son prochain changement de fonctions ou d’expérience acquise. Cette garantie de rémunération vise à protéger les agents publics contre une baisse de leurs revenus lors de la mise en œuvre de réformes structurelles. La juridiction d’appel rappelle que ce calcul doit s’établir sur le fondement du régime dont bénéficiaient les personnels jusqu’au 31 décembre 2020. Le respect de ce mécanisme est essentiel pour assurer la sécurité juridique des fonctionnaires concernés par la bascule vers le système de l’indemnité globale.
B. L’impossibilité d’intégrer des primes supprimées dans l’assiette de calcul
L’administration a inclus dans son calcul une prime de service et de rendement supposée être versée sur onze mois au cours de l’année 2021. La Cour constate cependant que cette prime spécifique avait été légalement supprimée à compter du premier janvier de la même année considérée. L’agent ne pouvait donc plus acquérir de droits au titre de cette prestation pécuniaire dont le support juridique n’existait plus dans l’ordonnancement. Les juges en concluent que « l’IFSE dont il a bénéficié au titre de 2021 a été illégalement calculée » par les services de la direction régionale. L’erreur de droit commise par l’autorité administrative justifie la confirmation du jugement ordonnant le réexamen de la situation financière du requérant.