Cour d’appel administrative de Douai, le 28 août 2025, n°25DA00021

La cour administrative d’appel de Douai a rendu une décision le 28 août 2025 concernant des rectifications d’impôt sur le revenu et de contributions sociales. Le litige trouve son origine dans la vérification de comptabilité d’une société dont l’objet social consistait en l’installation de réseaux téléphoniques et de courants faibles. À la suite de ce contrôle, l’administration fiscale a réintégré diverses sommes aux bénéfices imposables de l’entreprise avant de les regarder comme des revenus distribués. Parallèlement, le gérant de la société et son épouse ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle pour les années 2014 et 2015. Le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leur demande de réduction d’imposition par un jugement du 7 novembre 2024 après une décision du tribunal administratif de Montreuil. Les requérants soutiennent notamment que la proposition de rectification était insuffisamment motivée et contestent la qualité de maître de l’affaire attribuée au gérant par le service. La question posée aux juges concerne la validité de la procédure de rectification contradictoire et la présomption d’appréhension des bénéfices par un gérant non associé.

I. La régularité de la procédure d’imposition et la qualité de maître de l’affaire

L’administration fiscale doit respecter des exigences formelles strictes lors de l’envoi d’une proposition de rectification afin de garantir les droits de la défense du contribuable. Le juge administratif vérifie si les informations communiquées permettent au destinataire de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation de manière éclairée.

A. La validité de la motivation par référence et du recours aux éclaircissements

Selon l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, l’administration doit indiquer au contribuable « les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus ». En l’espèce, la proposition de rectification adressée au foyer fiscal se référait explicitement au contrôle subi par la société distributrice dont le mari était le gérant. La cour précise qu’une copie de la proposition de rectification adressée à la personne morale était jointe au document envoyé aux époux pour les éclairer. Les magistrats considèrent que les éléments exposés suffisaient pour comprendre le mode de calcul des sommes imposées et permettre aux contribuables de contester utilement les redressements. Par ailleurs, le moyen tiré de l’irrégularité de la demande de justifications prévue à l’article L. 16 du livre des procédures fiscales est écarté comme étant inopérant. L’administration n’a en effet taxé d’office aucune somme sur ce fondement mais a seulement mis en œuvre une procédure de rectification contradictoire classique.

Cette validation de la procédure permet ensuite au juge d’analyser la désignation du bénéficiaire effectif des distributions occultes au sein de la structure sociale contrôlée par l’administration.

B. La caractérisation du gérant comme seul maître de l’affaire présumé

Le droit fiscal prévoit qu’un contribuable disposant des pouvoirs les plus étendus au sein d’une structure est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par cette dernière. La cour rappelle que celui qui « est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres » possède la qualité de maître de l’affaire. Pour établir ce fait, le service s’est fondé sur la gestion administrative et comptable effective de l’entreprise ainsi que sur la signature des correspondances commerciales. Le gérant détenait seul le pouvoir d’engager financièrement la société auprès des établissements bancaires sans que les associés n’exercent un contrôle réel sur son activité. Les requérants ne rapportent pas la preuve de l’implication active d’autres personnes dans la gestion quotidienne malgré le statut de gérant non associé de l’intéressé. La circonstance que d’autres membres de la famille aient bénéficié de chèques émis par la société ne remet pas en cause l’autonomie décisionnelle totale du gérant.

II. Le bien-fondé des rehaussements et la validité des sanctions fiscales

Le juge doit ensuite se prononcer sur l’existence matérielle des revenus distribués et sur la conformité des pénalités appliquées par l’administration au regard des textes internationaux. La charge de la preuve pèse ici sur les contribuables en raison de la présentation tardive de leurs observations lors de la phase contradictoire.

A. L’appréhension des revenus distribués et la charge de la preuve

En vertu de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui s’abstient de répondre dans le délai légal doit démontrer le caractère exagéré de l’imposition. Le service a remis en cause la déductibilité de charges correspondant à des écritures comptables fictives ou à des dépenses personnelles dépourvues de lien avec l’exploitation. Ces frais incluaient des réparations de véhicules privés, des frais d’hôtellerie ainsi que des dépenses de restauration pour le compte du gérant et de ses proches. Les requérants se bornent à invoquer des justifications déjà examinées par l’administration sans apporter d’éléments nouveaux de nature à infirmer les constatations opérées par le vérificateur. La cour estime que les sommes en cause ont été régulièrement imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l’article 109. Le juge confirme ainsi que les montants appréhendés correspondent soit à des avantages occultes, soit à des bénéfices non mis en réserve par la société distributrice.

La validation du montant principal de l’impôt conduit nécessairement à l’examen de la légalité des majorations d’assiette et des pénalités pour manquement délibéré infligées par le service.

B. La proportionnalité des majorations et la démonstration du manquement délibéré

Les contribuables contestent la majoration de 25 % prévue à l’article 158 du code général des impôts en invoquant une atteinte excessive à leur droit de propriété. Ils se prévalent d’une jurisprudence européenne récente mais la cour écarte cet argument en soulignant que la disposition critiquée poursuit un objectif de lutte contre la fraude. Ce mécanisme vise à « soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes » sans créer de surcharge financière disproportionnée. Concernant la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l’administration apporte la preuve de l’intention d’éluder l’impôt en soulignant l’importance des revenus dissimulés par le foyer. Les sommes non déclarées représentaient plus de trois quarts des ressources totales des intéressés sur une période continue de deux années d’imposition successives. Une telle omission ne peut procéder d’une simple négligence et justifie pleinement l’application des sanctions prévues par l’article 1729 du code général des impôts.

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Hassan KOHEN
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