Cour d’appel administrative de Douai, le 29 avril 2025, n°23DA01732

Par un arrêt en date du 29 avril 2025, une cour administrative d’appel a été amenée à statuer sur les conséquences d’un désistement mutuel des parties au cours du délibéré.

En l’espèce, une société avait sollicité auprès de l’administration du travail l’autorisation de licencier un salarié protégé pour un motif économique. L’inspectrice du travail compétente a refusé cette autorisation par une décision du 25 mars 2021. La société a alors formé un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail. Par une décision du 10 janvier 2022, l’autorité ministérielle a retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l’inspectrice du travail et finalement autorisé le licenciement du salarié. Saisi par ce dernier, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 5 juillet 2023, annulé la décision ministérielle autorisant le licenciement. La société a interjeté appel de ce jugement afin d’obtenir la confirmation de l’autorisation de licenciement. Le salarié et la ministre du travail ont présenté des mémoires en défense, concluant au rejet de la requête d’appel. Cependant, après la clôture de l’instruction et la tenue de l’audience publique, la société appelante a informé la cour, par une note en délibéré, qu’elle se désistait de son instance et de son action. En réponse, le salarié intimé a indiqué accepter ce désistement et se désister de ses propres conclusions indemnitaires.

La question de droit qui se posait à la cour administrative d’appel n’était plus relative à la légalité du motif économique du licenciement, mais concernait les conséquences d’un double désistement, pur et simple, intervenant après la clôture de l’instruction. Il s’agissait de déterminer l’office du juge administratif face à la volonté concordante des parties de mettre un terme au litige pendant que l’affaire est en délibéré.

La cour administrative d’appel donne acte aux parties de leurs désistements réciproques. Elle constate que ces derniers sont « purs et simples » et que, par conséquent, « Rien ne s’oppose à ce qu’il leur en soit donné acte ». L’instance est ainsi close sans que la cour ne se prononce sur le bien-fondé des prétentions initiales des parties.

La décision de la cour administrative d’appel met en lumière la nature et les effets du désistement en procédure administrative contentieuse (I), entraînant l’extinction de l’instance sans que le fond du droit ne soit tranché par le juge d’appel (II).

I. La consécration de l’extinction de l’instance par l’accord des parties

Le juge administratif, en donnant acte aux désistements, applique un principe fondamental de la procédure selon lequel les parties ont la libre disposition de l’instance. Cette solution repose sur la nature même du désistement (A) et encadre strictement l’office du juge face à une telle manifestation de volonté (B).

A. Le désistement, un acte de disposition de l’instance

Le désistement est l’acte par lequel une partie renonce à l’instance qu’elle a engagée ou à l’action elle-même. Dans le cas présent, la société appelante a déclaré se désister « d’instance et d’action », ce qui emporte des conséquences radicales. Le désistement d’instance éteint le lien juridique créé par l’introduction de la requête, tandis que le désistement d’action emporte renonciation au droit de saisir à nouveau le juge pour le même objet.

La cour prend soin de relever que le désistement du salarié intimé, qui a accepté celui de la société et renoncé à ses propres demandes, rend l’accord complet. Pour être valable et produire son plein effet, le désistement doit être, comme le souligne l’arrêt, « pur et simple ». Cela signifie qu’il ne doit être assorti d’aucune condition ni réserve qui pourrait contraindre le juge à examiner des points de droit ou de fait subsistants. L’expression consacre une volonté claire et non équivoque de mettre fin au litige.

B. L’office limité du juge face à un désistement pur et simple

Face à un désistement d’instance accepté par l’autre partie, et a fortiori face à un désistement d’action, le juge n’a pas le pouvoir de contraindre les plaideurs à poursuivre le procès. Son rôle se limite à un simple contrôle formel de la validité des actes de désistement. Il vérifie que la volonté des parties est certaine et que rien, dans l’ordre public ou les dispositions légales, ne fait obstacle à cette extinction de l’instance.

La formule employée par la cour, « Rien ne s’oppose à ce qu’il leur en soit donné acte », est révélatrice de cette compétence liée. Le juge ne se prononce pas sur l’opportunité du désistement ; il ne recherche pas les motivations des parties. Il se contente de prendre acte de leur volonté commune, cet acte juridictionnel ayant pour seul effet de clore la procédure. Le litige prend donc fin non par une décision tranchant le débat, mais par un constat de l’abandon du procès par ceux qui l’avaient initié.

Cette solution, si elle est procéduralement orthodoxe, laisse néanmoins la question de fond non résolue par la juridiction d’appel, ce qui emporte des conséquences importantes sur la situation juridique des parties.

II. Les conséquences du non-lieu à statuer sur le fond du litige

En mettant fin à l’instance sans examiner les moyens soulevés, l’arrêt de la cour administrative d’appel ne résout pas le différend sur le licenciement. Cette absence de décision au fond confère un caractère définitif au jugement de première instance (A) et illustre la portée d’une décision de non-lieu à statuer (B).

A. L’acquisition de l’autorité de la chose jugée par le jugement de première instance

La principale conséquence de l’arrêt est de nature procédurale : le désistement d’appel a pour effet de rendre définitif le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille le 5 juillet 2023. En l’absence de décision de la cour d’appel se substituant à celle des premiers juges, c’est bien cette dernière qui acquiert l’autorité de la chose jugée.

Concrètement, la décision de la ministre du travail autorisant le licenciement du salarié protégé demeure donc annulée, conformément à ce qu’avait décidé le tribunal administratif. Le désistement de la société équivaut à un abandon de sa contestation, entérinant ainsi sa défaite en première instance. La situation juridique finale est donc celle qui prévalait avant l’introduction de l’appel, et le refus d’autorisation de licenciement initialement opposé par l’inspectrice du travail retrouve indirectement sa force.

B. La portée d’un arrêt de désistement

Un arrêt donnant acte d’un désistement est une décision d’espèce, dont la portée juridique est par nature limitée. Il ne contient aucune interprétation d’une règle de droit substantielle et ne saurait constituer un précédent jurisprudentiel sur la question du licenciement pour motif économique des salariés protégés. Sa contribution se limite à l’application des règles de procédure contentieuse.

Cette décision illustre le fait que la mission du juge n’est pas de dire le droit dans l’abstrait, mais de trancher les litiges qui lui sont soumis. Lorsque les parties décident, d’un commun accord, de retirer leur litige de la sphère juridictionnelle, le juge ne peut que s’incliner. L’arrêt commenté, bien que dépourvu de toute portée sur le fond, rappelle ainsi que le procès demeure avant tout la chose des parties, y compris en contentieux administratif.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture