La Cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 3 avril 2025, une décision relative au régime des intérêts moratoires applicables lors du recouvrement forcé. Un contribuable a fait l’objet d’une mise en demeure et de saisies administratives pour le recouvrement de cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu. Les actes de poursuites incluaient des intérêts moratoires calculés sur le fondement de l’article L. 209 du livre des procédures fiscales pour les années 2005 et 2006. Le tribunal administratif de Lille a limité la décharge de l’obligation de payer à une somme correspondant uniquement à des frais de poursuites recalculés. Le requérant a interjeté appel devant la juridiction supérieure afin d’obtenir une décharge plus étendue incluant la totalité des intérêts moratoires réclamés par l’administration. La question posée concernait la possibilité légale d’appliquer des intérêts moratoires à des impositions ayant déjà supporté l’intérêt de retard prévu au code général des impôts. Les juges d’appel ont considéré que l’existence d’un intérêt de retard initial fait obstacle à l’application ultérieure des intérêts moratoires prévus par le livre des procédures fiscales. L’étude de cette solution implique d’examiner l’exclusion légale des intérêts moratoires cumulatifs (I) avant d’analyser la sanction du cumul irrégulier dans le cadre du recouvrement (II).
I. L’exclusion légale des intérêts moratoires cumulatifs
A. L’interprétation littérale de l’article L. 209 du livre des procédures fiscales
La juridiction administrative s’appuie sur une lecture stricte des dispositions fiscales encadrant les majorations de dettes après un rejet total ou partiel d’une réclamation contentieuse. L’article L. 209 précise explicitement que « ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d’impôts soumises à l’intérêt de retard ». Cette règle prévient tout cumul entre les intérêts sanctionnant le retard de paiement et ceux visant à compenser le préjudice financier subi par le Trésor public. Le législateur a ainsi instauré un mécanisme d’exclusivité réciproque afin de ne pas alourdir excessivement la charge financière pesant sur le redevable de l’impôt. La portée de ce principe d’exclusion doit être appréciée au regard des pénalités ayant pu être initialement appliquées lors du contrôle.
B. L’indifférence du dégrèvement partiel des pénalités d’assiette
Le litige soulevait la question de l’influence d’un dégrèvement ultérieur des majorations initiales sur la qualification juridique des sommes restant dues au comptable public. La cour relève que le maintien de l’intérêt de retard calculé lors de la proposition de rectification suffit à caractériser l’assujettissement au régime de l’article 1727. Si la majoration de quarante pour cent pour manquement délibéré a disparu, la circonstance demeure « sans incidence sur l’intérêt de retard appliqué à ces impositions ». La persistance de cette charge financière initiale interdit mécaniquement le recours aux intérêts moratoires prévus par le livre des procédures fiscales pour la même créance. Le constat de cette irrégularité juridique conduit nécessairement à la décharge des sommes indûment réclamées lors de la phase de recouvrement forcé.
II. La sanction du cumul irrégulier des intérêts de retard
A. Le constat de l’assujettissement préalable à l’intérêt de retard
L’instruction a démontré que les cotisations supplémentaires dues au titre des années concernées avaient été initialement assorties des intérêts de retard lors de la procédure de contrôle. L’administration fiscale ne pouvait donc légalement ajouter des intérêts moratoires au montant réclamé dans la mise en demeure et les avis de saisies administratives ultérieurs. La Cour administrative d’appel de Douai souligne que « ces sommes n’ont, par suite, pu légalement être assorties de l’intérêt moratoire » prévu par le texte législatif invoqué. Ce raisonnement protège le contribuable contre une interprétation erronée des règles de ventilation des paiements opérée unilatéralement par le comptable public lors des poursuites. L’infirmation du jugement de première instance découle directement de cette application rigoureuse de la hiérarchie des normes fiscales.
B. L’étendue de la décharge de l’obligation de payer prononcée
Le juge d’appel réforme le jugement de première instance qui avait indûment limité la décharge en se fondant sur un bordereau de situation fiscale inexactement interprété. Le montant de la réduction de l’obligation de payer est porté à la somme globale correspondant à l’intégralité des intérêts moratoires illégalement mis à la charge. Le redevable « est déchargé, à concurrence du montant de 9 698,65 euros, de l’obligation de payer les intérêts moratoires » dont procédaient les différents actes de poursuite. Cette décision réaffirme la supériorité de la règle d’exclusion posée par le livre des procédures fiscales sur les pratiques de recouvrement des services de l’État.