Par un arrêt en date du 30 avril 2025, une cour administrative d’appel a statué sur la recevabilité d’un recours dirigé contre un arrêté préfectoral autorisant une installation de méthanisation. Cette décision administrative, prise en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, a fait l’objet d’une contestation par une association locale de défense de l’environnement.
En l’espèce, un préfet avait délivré, le 4 mai 2023, un arrêté portant enregistrement d’une unité de méthanisation. Une association a d’abord formé un recours gracieux auprès du préfet le 4 juillet 2023, lequel fut implicitement rejeté. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif d’une requête en annulation le 4 novembre 2023. En raison de l’écoulement d’un délai de dix mois sans que le tribunal n’ait statué, l’affaire a été transmise à la cour administrative d’appel, conformément à l’article R. 311-6 du code de justice administrative. Devant les juges, la société pétitionnaire ainsi que la ministre compétente ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours, arguant que le délai de recours contentieux n’avait pas été respecté. L’association requérante soutenait pour sa part que les dispositions dérogatoires invoquées portaient atteinte à ses droits et que son recours gracieux avait eu pour effet de proroger le délai.
Il revenait ainsi à la cour de déterminer si le délai de recours contentieux applicable à ce type d’autorisation environnementale était susceptible de prorogation par l’exercice d’un recours administratif préalable.
À cette question, la cour administrative d’appel répond par la négative. Elle juge le recours irrecevable au motif que le délai spécial de deux mois, prévu par l’article R. 311-6 du code de justice administrative, n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours gracieux. La cour relève que ce délai, qui avait couru à compter de la publication de l’arrêté contesté, était expiré à la date d’enregistrement de la requête au tribunal.
Cette décision illustre la rigueur d’un régime procédural dérogatoire dont l’application est strictement encadrée (I), une rigueur justifiée par la volonté de sécuriser le traitement des contentieux liés aux projets d’énergies renouvelables (II).
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La solution retenue par la cour administrative d’appel repose sur une application littérale des textes régissant un contentieux spécial. Elle confirme ainsi l’existence d’un régime procédural dérogatoire au droit commun, dont la mise en œuvre se révèle particulièrement stricte pour les requérants.
La cour fonde son raisonnement sur les dispositions de l’article R. 311-6 du code de justice administrative, qui instaurent une procédure accélérée pour certains litiges environnementaux, notamment ceux relatifs aux installations de méthanisation. Ce texte fixe un délai de recours contentieux de deux mois et précise expressément que ce dernier « n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif ». Le juge administratif constate que l’arrêté contesté, daté du 4 mai 2023, entre parfaitement dans le champ d’application matériel et temporel de ce dispositif. En conséquence, la règle spéciale déroge au principe général selon lequel un recours administratif préalable conserve le délai de recours contentieux. La cour écarte ainsi toute possibilité pour l’association requérante de se prévaloir de son recours gracieux pour justifier la recevabilité de sa requête tardive, enregistrée près de six mois après la publication de l’acte attaqué.
Face à cette application rigoureuse, l’association requérante invoquait une atteinte à ses droits et au principe de sécurité juridique. Toutefois, le juge d’appel rejette fermement ces arguments. Il souligne que le pouvoir réglementaire, en fixant un délai de recours abrégé et non prorogeable, n’a pas porté une atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif. La cour prend soin de vérifier que les conditions d’opposabilité de ce délai dérogatoire étaient bien réunies. Elle constate que l’arrêté litigieux comportait une mention exacte et complète des voies et délais de recours applicables, précisant explicitement que le recours administratif ne prolongeait pas le délai de recours contentieux. L’information des tiers étant jugée suffisante, la cour en conclut que les délais « lui étaient par conséquent bien opposables ». La sécurité juridique, loin d’être bafouée, est au contraire assurée par la clarté des mentions de l’acte administratif attaqué.
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En confirmant l’irrecevabilité de la requête, la décision ne se limite pas à une simple application technique des règles de procédure. Elle met en lumière la finalité de ce régime contentieux accéléré et en précise la portée pour les justiciables.
L’instauration de ce régime dérogatoire répond à un objectif clair de politique publique : accélérer la réalisation des projets liés à la transition énergétique, comme les installations de méthanisation. En réduisant le délai de recours et en supprimant son caractère suspensif lié à un recours administratif, le pouvoir réglementaire a entendu limiter la période d’incertitude juridique pesant sur ces projets. La décision commentée s’inscrit pleinement dans cette logique en refusant toute interprétation extensive des textes qui irait à l’encontre de cet objectif. Elle assure ainsi une prévisibilité et une sécurité juridique accrues pour les porteurs de projet, considérant que la célérité du jugement est une condition de leur viabilité économique. Cet arbitrage entre le droit au recours des tiers et la nécessité de développer les énergies renouvelables se traduit par une exigence de diligence renforcée de la part des opposants.
Dès lors, la portée de cet arrêt est avant tout pédagogique. Il constitue un avertissement sévère pour les tiers, et notamment les associations, qui souhaiteraient contester ce type d’autorisations. La solution rendue met en évidence le piège que peut constituer le recours gracieux dans ce contentieux particulier. Alors qu’il est souvent un préalable utile et parfois obligatoire, il devient ici une démarche inopérante pour la préservation des délais de recours. Cette décision incite donc les requérants potentiels à une vigilance maximale et à privilégier la saisine directe du juge administratif dans le délai imparti de deux mois. Elle rappelle que la connaissance précise des règles de procédure, y compris dérogatoires, est une condition indispensable à l’accès au prétoire, surtout dans un domaine où le droit est en constante évolution pour s’adapter aux impératifs écologiques et économiques.